« Betty », deuxième roman de Tiffany McDaniel, Prix Fnac 2020, est un des gros succès de cette rentrée littéraire, le livre que tout le monde semble avoir lu, malgré une épaisseur (plus de 700 pages!) qui pourrait rebuter. En ayant entendu beaucoup de bien, je ne pouvais pas terminer l’année sans l’avoir lu moi aussi.
Dans ce récit inspiré de la vie de sa mère, l’autrice nous raconte l’histoire de Betty, petite fille métis, née en 1954 aux Etats-Unis d’un père Cherokee et d’une mère blanche . Les parents, Landon et Alka Carpenter, se connaissent à peine lorsqu’ils se marient – ils se sont rencontrés brièvement dans un cimetière où Landon était fossoyeur, et quelques semaines plus tard, Landon épouse Alka en apprenant qu’elle est enceinte. En dépit de ce mariage précipité, le couple sera plutôt heureux ensemble, et ils auront huit enfants, dont deux meurent en bas âge. Après avoir vécu dans plusieurs états, ils retournent dans l’Ohio, dans la ville d’origine d’Alka et s’installent dans une grande maison considérée comme maudite (les anciens propriétaires ont disparu mystérieusement, ne laissant derrière eux que des impacts de balles) avec leurs six enfants restants : Betty est la quatrième, après Leland, le fils aîné qui revient au bercail après plusieurs années dans l’armée, et deux grandes sœurs, Fraya et Flossie, et avant deux petits frères, Tustin et Lint, un enfant atypique.
De la fratrie, Betty est celle qui ressemble le plus à son père, dont elle est très proche. Ce père aimant, régulièrement victime de mépris et de racisme, s’occupe beaucoup de ses enfants, et a transmis à sa fille l’amour de la nature, et l’histoire et les coutumes des Cherokee. La mère est une femme instable et pas toujours très bienveillante envers ses enfants, qui doit lutter contre ses démons. Betty grandit dans un univers plutôt hostile, victime de sexisme, de racisme car elle a la peau brune, et de moqueries car elle est pauvre. Observatrice, elle voit et comprend beaucoup de choses, et reçoit également des confidences : c’est dans l’écriture, l’amour de son père, et les traditions qu’il lui a transmises qu’elle va puiser la force de survivre aux drames qui frappent sa famille, nourris de violence, de noirceur humaine et de non-dits.
Certes, le livre compte 700 pages, mais il se lit vraiment tout seul, je l’ai dévoré en deux soirées. Cette histoire d’une famille rongée par un mal originel est très sombre, avec des scènes extrêmement dures, et pourtant il y a quelque chose de très lumineux. Betty est une petite fille – puis une adolescente – solitaire et attachante, et malgré le chaos qui l’entoure, et l’adversité, elle est portée par l’amour de son père, un homme droit et bon qui est aussi un exemple masculin très positif, et l’écriture est à la fois un exutoire et un objectif. De tous les enfants Carpenter, c’est elle qui a les racines les plus solides et la plus grande capacité à s’évader grâce à l’imagination. J’ai été touchée par la relation père-fille, mais aussi par le lien entre Betty et son étrange petit frère Lint et j’ai aimé la richesse de ce texte, son pouvoir évocateur, la beauté des descriptions de la nature, et ce portrait d’une toute jeune fille qui se rebelle, et qui lutte contre les jougs iniques qu’on veut lui imposer.
Un très beau récit, à lire absolument !
Publié en Août 2020 chez Gallmeister, traduit par François Happe, 720 pages.
25e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.
La relation père-fille est vraiment magnifique ! Pour une fois que l’on a un modèle masculin non toxique 🙂
Quel roman ♥
Je suis impressionnée que tu l’aies lu en seulement deux soirs, je n’arrive jamais à lire beaucoup avant de dormir donc j’admire les gens qui dévorent sur ce créneau horaire.
en fait, c’est le seul créneau que j’ai actuellement de disponible pour la lecture 😀 habituellement, je lis dans les transports mais en ce moment, c’est télé-travail !