Si j’avais beaucoup entendu parler de « L’immeuble Yacoubian » et de « Automobile Club d’Egypte », je n’avais pas encore eu l’opportunité de lire l’auteur égyptien Alaa El Aswany, et je ne connaissais pas « J’ai couru vers le Nil », découvert via le podcast littéraire Bibliomaniacs!
Ce livre est un roman choral qui se déroule au Caire au moment de la révolution de 2011, et qui met en scène divers personnages issus de la société égyptienne, de religions et de milieux sociaux différents : un général, une jeune enseignante qui refuse de se voiler, un jeune ingénieur, deux étudiants en médecine, un acteur issu de la bourgeoisie copte, une présentatrice de télévision, une employée de maison…
Le roman est assez épais, mais il est très accessible, et sa lecture en est très fluide. La scène d’introduction est particulièrement saisissante et nous donne un aperçu de la plume mordante de l’auteur, qui aime à appuyer là où ça fait mal et qui fait souvent preuve d’ironie voire de cynisme, notamment lorsqu’il souligne l’hypocrisie de ceux qui montrent une piété de façade tout en commettant des horreurs. Les personnages sont d’ailleurs particulièrement réussis, les plus sympathiques comme les plus odieux, et le schéma choral est bien maîtrisé par l’auteur qui réussit à incarner et à faire vivre dans ce récit une dizaine de personnages, même si j’ai quand même moins accroché aux passages épistolaires.
On ressent dans ce livre le pessimisme, la déception de l’auteur vis-à-vis de la révolution et de ses conséquences : il semble nous dire que quel que soit le type de gouvernement, révolution ou pas, les travers de la société restent similaires et que tout n’est qu’un éternel recommencement. Le roman nous montre d’ailleurs une société égyptienne très cloisonnée, non seulement par les religions, mais aussi par les classes sociales. Et pourtant, il y au milieu de cette atmosphère plutôt sombre, la lumière que nous apporte un acteur copte, qui est le personnage que j’ai préféré dans le livre : un homme qui semblait vivre dans une tour d’ivoire, et dans un quotidien insatisfaisant, et pour qui cette révolution politique va également être une révolution personnelle, et un réveil sur tous les plans, comme un espoir d’une Egypte nouvelle et unie où tomberaient les barrières sociales et religieuses.
« J’ai couru vers le Nil » est un roman vers lequel je ne me serais pas spontanément tournée, et pourtant c’est finalement une très belle lecture, un roman accessible, bien écrit, et pertinent! A noter que le livre sortira en poche en Avril 2021.
Publié en 2018 aux éditions Actes Sud, traduit par Gilles Gauthier, 432 pages.
A retrouver dans l’épisode 104 de Bibliomaniacs ici.
J’ai découvert cet auteur avec L’immeuble Yacoubian que j’ai autant aimé que celui-ci. C’est un magnifique conteur.
j’ai prévu de le lire !
Lu en Égypte place Tahrir
tant qu’à faire ! 😀