« Comme deux sœurs » est l’un des premiers livres publiés par les éditions de l’Antilope, que j’affectionne particulièrement. Rachel Shalita nous raconte l’amitié de deux jeunes filles en Palestine mandataire, sur une quinzaine d’années précédant la création d’Israel.
Vera et Tsiona se rencontrent quand elles sont enfants, et deviennent instantanément amies très proches, « comme deux sœurs ». Tsiona est élevée par sa mère depuis la mort accidentelle de son père. Quant à Vera, elle grandit entre un père artiste qui s’absente fréquemment pour de longs séjours à Paris, et une mère infirmière dont elle est très proche. Dès le lycée, Tsiona s’engage dans les mouvements pionniers et rêve de rejoindre un kibboutz, tandis que Vera est poussée par son père à faire les Beaux-Arts à Paris…
J’ai beaucoup aimé le début de « Comme deux sœurs » : l’amitié entre les deux filles est très belle, et j’ai apprécié le style du livre, et notamment la description des émotions ressenties par Vera, quand celle-ci est confrontée à la maladie de sa mère, à la solitude lorsqu’elle se retrouve dans l’appartement sans son père, qui est à Paris, ses émois lorsqu’elle rencontre le jeune Sacha ou encore sa déception lorsqu’elle découvre un secret de famille.
Le contexte du livre est également très intéressant : il est rare que des romans se déroulent avant la création d’Israël. Le récit met en avant l’opposition entre la culture européenne, personnifiée par le père de Vera, et la culture locale, représentée par la mère de la jeune fille, puis celle entre deux courants politiques qui imaginent le futur d’Israël. Plus tard, après la Seconde Guerre Mondiale, les deux amies vont être confrontées à des survivants de la Shoah, qui ont vécu l’horreur, alors que la guerre ne semble pas les avoir affectées. En effet, pendant une grande partie du récit, c’est la petite histoire qui nous est racontée et non l’Histoire, même si celle-ci apparait en filigrane dans le quotidien de Vera et Tsiona, avec l’arrivée de Yossef, un rescapé, puis la tension qui monte avec les villages arabes voisins alors que la création d’Israël est imminente.
Et pourtant, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à me détacher de ce que l’autrice proposait. Vera m’a agacée, obsédée par le livre de Romain Rolland offert par son père , et le texte a pris un tournant sentimental, mais aussi prévisible, qui m’a déçue, tout comme la fin, brutale.
Une impression mitigée pour cette lecture qui, pourtant, contient de nombreux éléments intéressants…
Publié en 2016 chez l’Antilope, traduit par Gillez Rozier, 312 pages, en poche chez Points.