J’ai découvert Christian Kiefer il y a quatre ans avec son roman « Les Animaux » que j’avais beaucoup aimé, et j’étais ravie de le retrouver avec son nouveau livre : « Fantômes ».
Le livre commence en 1945 avec le retour à Placer County, sa petite ville d’origine, de Ray Takahashi, soldat américain qui vient d’être démobilisé. On comprend qu’en 1942, ses parents, ses sœurs? et lui ont été arrêtés, la famille étant d’origine japonaise, et internés dans le camp de Tule Lake. Les Takahashi vivent désormais à Oakland, ayant été expulsés de la maison qu’ils louaient? et Ray est accueilli froidement par ses anciens voisins. Un quart de siècle plus tard, en 1969, le narrateur, John Frazier, vient de rentrer du Vietnam. A la station-service où il travaille, il revoit par hasard sa tante Evelyn, dont le mari était l’employeur du père de Ray, et le propriétaire de la maison louée par la famille. Via une curieuse demande de sa tante, John va découvrir l’histoire de Ray…
J’ai beaucoup aimé ce livre pourtant bien différent de ce à quoi je m’attendais. Je pensais lire un roman sur l’internement d’une famille américaine d’origine japonaise après Pearl Harbor, mais, si cet épisode est quand même évoqué, il s’agit plutôt du destin croisé de deux jeunes hommes démobilisés à 25 ans d’intervalle, le deuxième enquêtant sur le premier, dans un contexte rempli de fantômes : fantômes de ceux morts au combat, fantômes de ceux qui, revenus traumatisés, sont trop tôt disparus, fantômes d’enfants, fantôme d’une histoire d’amour tragique, fantôme d’une amitié, fantôme d’un pays laissé derrière soi…
Il y a beaucoup de nostalgie dans ce livre, mêlée à un certain suspense. Christian Kiefer raconte un aspect de la Seconde Guerre Mondiale peu traité en littérature – même si le livre de Julie Otsuka, « Certaines n’avaient jamais vu la mer », a eu beaucoup de succès – mais via une histoire personnelle où l’accent est finalement mis moins sur l’internement que sur ses conséquences dramatiques.
Un très beau livre, vraiment différent des « Animaux », qui confirme le talent d’écriture de Christian Kiefer mais aussi sa capacité à se renouveler.
Publié en Mars 2021 chez Albin Michel, traduit par Marina Boraso, 288 pages.