« La Première Veine » de Yannis Makridakis alterne entre l’histoire d’Evgenia et celle de Yorgos dans la deuxième moitié du XXe siècle: deux vies mouvementées racontées en moins de cent pages à la première personne.
Yorgos est un marin qui mène une vie de débauche : il va de port en port, de biture en biture, de prostituée en prostituée. Il parcourt le monde, s’arrête dans de nombreux pays, mais, si les décors changent, le schéma est assez répétitif: il y a toujours un bar, des litres d’alcool, des histoires d’une nuit contre une poignée de billets dont la fin est souvent pathétique.
Evgenia, quant à elle, est une femme au caractère bien trempé qui va vite révéler son goût pour la liberté. Elle s’émancipe du poids familial, de la tradition et de la tutelle des hommes pour devenir prostituée, de son plein gré, et mène sa vie – professionnelle, sexuelle, sentimentale, en toute indépendance.
La plume de Yannis Makridakis est très évocatrice et rend ces deux personnages parfaitement incarnés. Paradoxalement, la vie du marin est assez creuse et triste, il y a beaucoup de plaisirs immédiats mais peu de sens et de sentiments, et finalement une grande solitude et l’impression d’être passé à côté de ce qui compte vraiment. A l’inverse, si Evgenia connaît des drames, elle suit son propre but, et est en phase avec elle-même, loin de l’image de victime et de femme dominée que l’on pourrait avoir.
Si j’ai trouvé le livre très bien écrit, et ces deux portraits très intéressants, chacun dans leur domaine, il m’a manqué du liant entre l’histoire d’Evgenia et celle de Yorgos pour complètement apprécier ce texte. Alors, certes, chacun représente une facette de la prostitution – le client, la prostituée – et l’on découvre un lien entre les deux personnages au détour d’une phrase, mais il était un peu trop ténu à mon goût.
C’est néanmoins la découverte d’une belle plume et d’un texte qui réussit à être riche malgré un format court.
Publié en Avril 2021 chez Cambourakis, traduit par Clara Villain, 96 pages.