Difficile de passer à côté de « Notre Part de Nuit », roman de l’autrice argentine Mariana Enriquez : vous avez certainement aperçu en librairie ce pavé à la couverture impressionnante, représentant le visage d’un ange entre fureur et larmes.
Difficile également de résumer l’histoire : au début du livre, on fait la connaissance d’un père, Juan, et de son petit garçon Gaspar. On comprend que la mère est morte, que Juan possède des pouvoirs surnaturels, et qu’il souhaite savoir si son fils a lui aussi des dons, et de quelle puissance. En effet, Juan et sa famille font partie d’une sorte de société secrète adepte de la magie noire, et il cherche à protéger Gaspar de leur influence néfaste.
Mais le roman est extrêmement foisonnant : il y a plusieurs points de vue narratifs, beaucoup de personnages, de changements de style, d’époques, de références… et si ce n’est pas forcément le livre phénomène qui est annoncé, c’est assurément un roman qui sort de l’ordinaire, avec une identité et une atmosphère qui lui sont propres.
Si l’objet livre peut faire peur, avec son épaisseur et sa couverture, il est néanmoins très facile d’accès. On rentre vite dans cette histoire qui convoque des éléments de notre imaginaire, et flirte avec le fantastique, le gothique et l’horrifique.
J’ai beaucoup aimé cette lecture, même si finalement, j’ai préféré les passages les plus sobres, les plus réalistes, ceux qui se concentrent sur la relation entre Juan et Gaspar et sur l’histoire de l’Argentine. En effet, chaque fois que le roman évoque la secte, j’ai trouvé que l’autrice en faisait un peu trop, avec de nombreux détails horribles, au risque de tomber dans l’exagération voire parfois dans le grand-guignolesque, là où la suggestion aurait été beaucoup plus forte. Pourtant, le fil conducteur du livre – ce père prêt à tout pour protéger son fils d’un contexte dysfonctionnel et dangereux, que ce soit sa famille ou encore le régime politique argentin- est très beau. Les forces du mal ne sont jamais loin, mais ne sont-elles pas métaphoriques dans ce livre qui évoque la souffrance de la colonisation, de la dictature, mais aussi de l’oppression contre les homosexuels, et de l’arrivée du sida.
« Notre Part de Nuit » est très riche, bourré de références et les éléments magiques lui donnent une touche très particulière, même s’il m’a semblé que le réalisme lui allait mieux. Je pense d’ailleurs que c’est un roman qui mériterait d’être relu pour en apprécier toutes les facettes. Avant cela, j’ai envie de retrouver Mariana Enriquez avec son recueil de nouvelles « Ce que nous avons perdu dans le feu ».
Publié en Août 2021 aux éditions du Sous-Sol, traduit par Anne Plantagenêt, 768 pages.
A retrouver dans l’épisode 141 de Bibliomaniacs ici.
J’ai beaucoup aimé la lecture de ce livre, l’ecriture, l’ambiance, les personnages ni tout blanc ni tout noir (Juan en tête).
Mais plus je voyais le nombre de pages avant la fin diminuer, plus je me demandais comment l’autrice allait pouvoir conclure de manière satisfaisante. Et je ne me suis pas trompée, pour moi en tout cas, la fin n’est pas à la hauteur du reste du roman…
Spoil spoil spoil spoil
Lorsque Gaspar est de retour à Puerto Reyes, tout se passe beaucoup trop vite, il n’apprend finalement pas toute la vérité sur son enfance et son histoire, et son plan pour se débarrasser de sa famille est tellement simpliste qu’on se demande pourquoi Juan n’en a pas eu l’idée 20 ans plus tôt… Qu’en est il d’un épilogue ? Il n’ y en a pas. On ne sait finalement pas ce que va devenir Gaspar a la fin de l’histoire, que decide t-il, ou ira-t-il…
Ce pourquoi j’ai vraiment le sentiment que cette fin n’en est pas une, comme s’il manquait une partie.
Fin du spoil fin du spoil fin du spoil
Du coup je ne peux pas m’empêcher d’être un peu déçue parce que j’étais à fond dedans mais la fin est rushée, comme si l’autrice avait envie d’y mettre un point final malgré tout ce qu’il restait encore à dire…
eh oui, pas évident de finir un livre aussi riche et imposant ! je suis tentée par son nouvel ouvrage!