J’ai découvert Sabyl Ghoussoub lorsqu’il était édité chez L’Antilope, avec « Le Nez Juif » et « Beyrouth entre parenthèses ». Le voici de retour avec un roman d’inspiration autobiographique, « Beyrouth-sur-Seine », qui vient de recevoir le Prix Goncourt des Lycéens.
Il y raconte l’histoire de ses parents, de sa famille, entre Beyrouth et Paris. Kaïssar et Hanane sont arrivés dans la capitale en 1975 pour ce qui devait être un séjour de courte durée, deux ans le temps que Kaïssar passe un doctorat à La Sorbonne. La guerre du Liban va en décider autrement et 45 ans plus tard, ils vivent toujours à Paris, où sont nés leurs deux enfants, Yala et Sabyl.
Le lien avec leur pays natal n’est pas rompu pour autant, entre séjours à Beyrouth, visite de la famille et groupe whatsapp gargantuesque d’une cinquantaine de personnes. « Mes parents n’ont rien de franco-libanais, il n’y a pas plus libanais qu’eux. Leur histoire est libanaise, simplement libanaise, même si elle s’est déroulée une bonne partie de leur vie en France »
J’ai vraiment aimé la tendresse ironique (ou l’ironie tendre) avec laquelle Sabyl Ghoussoub décrit ses parents, entre sa mère survoltée et son père « qui prend toujours la défense du camp adverse », collection d’anecdotes, pudeur, peur de leur faire du mal et incompréhension : « la vie de mes parents, c’est comme la guerre du Liban. Plus je m’y plonge, moins j’y comprends quelque chose ». « Il y a un moment où les mots s’usent. Et le silence commence à raconter ».
Et c’est aussi le roman d’une deuxième génération, avec une vision idéalisée du pays d’origine, l’«impression bancale d’avoir grandi ailleurs tout en ayant grandi ici », une attirance et une fascination qui peuvent mener à l’écœurement lorsque l’on découvre une réalité parfois faite de violence, de corruption, de compromission, et à la tristesse que l’histoire soit un éternel recommencement, avec une crise actuelle (manque de nourriture, inflation, désespoir) qui rappelle la situation d’il y a 45 ans.
Il y a des facettes très intéressantes dans ce livre, j’ai aimé le regard de l’auteur sur ses parents, son analyse de cette obsession pour leur passé, pour le Liban (« Le Liban c’est mes parents »). Cependant, il n’est pas toujours évident de comprendre les différents enchaînements de la guerre du Liban, les conflits du Proche-Orient, les différents partis politiques, et les convictions des multiples membres de la famille de Sabyl, ce qui rend certains passages un peu fastidieux. Mais « Beyrouth sur Seine » est un livre plein d’émotions, souvent drôle, plein de tendresse, de colère aussi, de nostalgie pour ce pays où l’auteur n’est pourtant pas né. Une réussite !
Publié en Août 2022 chez Stock, 320 pages.
Bonjour Eva, je l’ai noté d’autant plus qu’il vient d’être couronnée du prix Goncourt des Lycéens 2022. Un gage de qualité. Bonne après-midi.
oui, ce sont souvent de bons choix!