La femme debout du titre, c’est Sonia Pierre, activiste dont, je l’avoue, je n’avais jamais entendu parler. Cette biographie romancée de Catherine Bardon illustre l’immense dichotomie entre deux pays situés sur la même île : la République Dominicaine, haut lieu touristique, et Haïti, l’un des pays les plus pauvres au monde et régulièrement frappé par des catastrophes naturelles.
Les parents de Sonia Pierre pensaient trouver une vie plus confortable en République Dominicaine. Comme des milliers d’autres Haïtiens, ils se sont retrouvés à trimer en esclaves modernes sur une plantation. Sonia y est née en 1963. D’une intelligence rare, et grâce à l’aide d’un prêtre et d’une école, elle bénéficie d’une opportunité quasi unique pour une enfant venant d’un campement d’immigrés: faire des études. Devenue avocate, elle va se battre pour les conditions de vie et de travail de ces travailleurs, fondant en 1981 le MUDHA (mouvement des femmes dominico-haïtiennes). L’un de ses plus grands combats sera sa lutte contre le gouvernement lorsque celui-ci révoquera la nationalité dominicaine d’enfants nés sur le sol dominicain en arguant que leurs parents travailleurs haïtiens étaient illégaux au moment de leur naissance, et les rendra apatrides.
Catherine Bardon, grande amoureuse et connaisseuse de la République Dominicaine, a consacré à Sonia Pierre un portrait qui ne peut que forcer l’admiration: une femme qui a bravé la précarité mais n’a jamais oublié les siens et leur a consacré toute sa vie, au mépris du danger. Le style est cependant assez loin du grand souffle romanesque des « Déracinés » (livre que j’adore): même si la biographie est romancée, il est ici plutôt documentaire, sans doute par respect et pudeur (Sonia Pierre ne mettait pas sa vie privée en avant)
Un beau portrait qui remplit sa mission : rendre hommage à une grande activiste trop peu connue en France et alerter sur les conditions de vie des Dominicains d’origine haïtienne.
Publié en Janvier 2024 aux Escales, 288 pages.