Il n’est pas nécessaire de connaître Petru Guelfucci pour apprécier « Le livre de Petru » comme il n’est pas nécessaire de connaître Lana del Rey pour lire « La fille de Lake Placid ».
Petru Guelfucci était l’un des chanteurs et auteurs corses les plus connus, il a notamment écrit et interprété « Corsica » qui est une chanson magnifique. Marie Ferranti, célèbre écrivaine corse et co-autrice de l’ouvrage, le connaît depuis de nombreuses années et éprouve pour lui beaucoup d’amitié et d’admiration.
Ce livre n’est pas vraiment une biographie, il est né de nombreux entretiens et rencontres entre Marie Ferranti et Petru Guelfucci, et m’a accompagnée lors de mon séjour en Corse, où il a été la lecture parfaite.
Le chanteur est un défenseur pur et dur de la culture et du patrimoine corses. Il a œuvré pour que la paghjella, chant polyphonique traditionnel, soit inscrit sur la liste de sauvegarde d’urgence de l’UNESCO. Si l’autrice garde une certaine distance avec son activisme, son nationalisme, les discussions sur la « colonisation » de la Corse, il faut aussi, à une époque où la Corse est à la mode, où les régionalismes sont prisés, se remettre dans l’esprit des années 60 et 70, où il était mal vu voire interdit de parler corse, où il était envisagé de faire des essais nucléaires sur l’île, où il n’y avait même pas d’université en Corse (celle de Corte n’ouvrira qu’en 1981).
Il y a d’ailleurs de nombreux passages en corse dans le livre (tous traduits, pas d’inquiétude) et au fil des pages on apprend à connaître Petru, son village de Sermanu, sa famille, sa langue, ses combats, on s’y attache également… jusqu’à ce décès trop tôt et trop rapide qui serre le cœur.
Marie Ferranti n’oublie jamais d’inscrire la culture corse, sa protection, sa promotion dans une certaine universalité, et les références et liens ne manquent pas dans ce très beau texte : Virgile, Pasolini, Walter Benjamin ou encore Pessoa.
Un livre qui plaira aux amoureux de la Corse, du chant, de la poésie… une superbe découverte.
Publié en Mai 2023 chez Gallimard, 352 pages.