Rebelles honorables – Jessica Mitford

Dans la famille Mitford, je demande Jessica. J’ai toujours eu une passion coupable pour les sœurs Mitford, sur lesquelles j’ai lu de nombreux essais et même romans, avant même d’avoir eu un blog.

Dans la sororie Mitford (il y a également un frère, Tom), Jessica, née en 1917,  fait partie du groupe des petites, et est un peu moins connue que ses grandes sœurs Nancy, la célèbre autrice ou Diana, mondaine et nazie. Pour autant, son engagement politique à gauche est souvent mis en avant pour contrebalancer la passion de ses sœurs Diana et Unity pour Adolf Hitler.

« Rebelles Honorables » est un récit autobiographique, qui couvre la jeunesse de Jessica, jusqu’en 1941. Jessica grandit dans une famille aristocratique très en vue et très connue en Angleterre, à la fois excentrique et à cheval sur les traditions, repliée sur elle-même mais mondaine. Jessica, surnommée Decca, s’intéresse très tôt aux mouvements de gauche, et à ceux qui sortent du rang. Son cousin Esmond Romilly attire son attention, ayant défrayé la chronique pour avoir dénoncé le fonctionnement des pensionnats et s’être engagé dans la guerre en Espagne. Jessica fait croire à ses parents qu’elle part en vacances avec des amies et s’enfuit avec Esmond…

Le récit est très rythmé, plein d’énergie et de vivacité. Jessica est très imaginative et débrouillarde pour arriver à ses fins. En revanche, j’ai un peu rigolé en lisant le passage où elle et Esmond sont en Espagne car j’avais toujours entendu dire qu’elle avait participé à la guerre civile, en fait, elle reste très peu de temps en Espagne, et très loin du terrain, le couple s’empiffre dans un bateau de luxe, puis réside dans un hôtel avant de repartir, et d’émigrer aux Etats-Unis.

Là, ils vont mener une vie de bohème, entre combines et petits boulots, on est assez loin de l’établi. Tous deux sont jeunes, beaux, bien nés, inventifs et ont de l’entregent, ce qui leur permet de s’en sortir, malgré une certaine naïveté et immaturité.

Le récit donne parfois l’impression qu’Esmond et Jessica sont des révolutionnaires de salon, très loin des milieux ouvriers et populaires. Pour autant, il faut se rappeler qu’ils étaient extrêmement jeunes, à peine vingt ans. Surtout, j’ai l’impression que l’autrice a choisi, par pudeur, par amour,  de se concentrer sur les jours heureux. Tout sujet triste, dramatique, profond est soigneusement éludé. La mort de leur bébé, qui n’est pas nommé dans le livre, est évoquée en une phrase. Il ne semble pas politiquement correct de vraiment parler de la tentative de suicide de Unity, pourtant sa sœur préférée malgré leurs divergences. Et dans les dernières pages nous est annoncé, en une phrase,  le décès en 1941 d’Esmond Romilly, qui s’était engagé dans la Royal Air Force.

Car malgré certains aspects du récit où l’on a l’impression que le couple gambade joyeusement entre deux mondanités, leur engagement est réel et durable: Esmond le payera de sa vie, Jessica (qui connaîtra des drames terribles) s’impliquera dans la lutte pour les droits civiques. 

Une belle histoire d’amour, un portrait de femme engagée et en rupture avec son milieu de naissance. 

Publié en 2014 aux Belles Lettres, traduit par Pierre Guglielmina, 312 pages.

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