« Grand Hotel Europa » est un roman néerlandais d’Ilja Leonard Pfeijffer dans lequel le narrateur partage avec l’auteur son prénom, sa nationalité et sa profession.
Ilja séjourne au « Grand Hotel Europa »: dans ce palace au charme désuet, que le nouveau propriétaire chinois, M. Wang, souhaite transformer afin d’y attirer une nouvelle clientèle, habitent un certain nombre de résidents permanents hauts en couleur, ainsi que des employés très investis dans leur mission, dont le jeune groom Abdul. Ilja vit dans cet hôtel à la suite de sa rupture amoureuse avec Clio, héritière italienne et historienne de l’art, qu’il a suivie à Venise lorsqu’elle y a décroché le travail de ses rêves.
Quel curieux roman ! C’est un pavé bourré de réflexions passionnantes et de références culturelles, mais qui est extrêmement foisonnant et qui part un peu dans tous les sens. Il y a plusieurs grands thèmes dans ce livre, dont l’Europe figée dans son passé, et les flux de population, qu’ils soient touristiques ou migratoires, Venise étant la parfaite illustration des effets désastreux du tourisme de masse, et cette facette m’a beaucoup plu car les propos sont très pertinents et ont généré chez moi de nombreux questionnements.
J’ai beaucoup aimé ce qui se déroule dans le cadre feutré de l’hôtel, dans cette ambiance surannée, avec toute une galerie de personnages particulièrement savoureux, dépeints avec une belle inventivité par Ilja Leonard Pfeijffer. J’ai notamment apprécié le parallèle entre le parcours d’Abdul et l’Enéïde, que j’ai trouvé très beau.
Les passages sur Clio m’ont moins plu, sans doute car la jeune femme est peu attachante, même si les passages consacrés à l’art et notamment au Caravage sont très intéressants – pour autant, si j’ai aimé l’enquête concernant le tableau perdu du peintre italien, cela a contribué à alimenter mon bémol sur « Grand Hotel Europa » : cette sensation que l’auteur a groupé plusieurs idées de romans dans ce livre, ce qui le rend un peu trop riche, et parfois pas totalement abouti.
Pour autant, cette lecture a été une véritable expérience : même si l’intrigue aurait mérité d’être resserrée pour être plus percutante, le roman est décalé, singulier et intelligent!
Publié en 2022 aux Presses de la Cité, traduit par Françoise Antoine, 521 pages.