Même si les « Producteurs » peut exister en toute indépendance, je ne conseille pas de lire ce troisième tome sans avoir lu les deux premiers. Pour ceux qui ont peur de ne plus se souvenir du début de l’histoire, « Les Producteurs » commence par un long résumé détaillé des « Falsificateurs » et des « Éclaireurs ».
Sliv, le personnage principal des trois volumes, est entré au CFR en pensant rejoindre une agence de conseil environnemental lambda, mais le CFR est en fait une organisation qui élabore de toutes pièces des scénarii et les intègre dans la réalité en falsifiant des sources, afin d’orienter les façons de penser des populations et les décisions politiques des dirigeants. Au début de ce troisième volume, le CFR est en pleine crise car une mallette contenant 50 scénarii a été oublié dans un taxi. En parallèle, Sliv et ses équipes travaillent sur plusieurs dossiers, notamment l’élection d’Obama ou une épidémie de grippe, mais également la découverte d’une civilisation maya créée par leurs soins qui diffuse un message de paix et de concorde.J’ai retrouvé dans « Les Producteurs » ce que j’avais aimé dans les deux précédents volumes – avec quand même une préférence pour « Les Falsificateurs », qui m’avait littéralement bluffée : Antoine Bello parvient à jongler avec des faits réels, des éléments fictifs, des notions économiques, des notions géopolitiques, de la psychologie et du romanesque, tout en livrant un roman extrêmement abordable et agréable à lire. Le fait que l’auteur s’appuie sur certaines affaires réelles peut par contre rendre complètement paranoïaque et complotiste, car la facilité avec laquelle tant les dirigeants que les masses sont manipulés – même si le CFR dispose de moyens considérables, qu’ils soient intellectuels ou financiers – peut vraiment semer le doute dans l’esprit du lecteur.
« Les Producteurs » est donc un roman extrêmement malin, d’autant plus que Bello pointe bien les limites du système, quand les dossiers, comme le monstre de Frankenstein, échappent à leurs créateurs, par exemple avec l’invention d’Al-Qaida, ou quand l’amie de Sliv, Maga, doit aller dans une direction qui heurte ses convictions féministes, quand le CFR influence l’élection d’Obama grâce au choix de Sarah Palin comme co-listière de Mc Cain. Antoine Bello montre également que nous n’avons pas forcément besoin d’aide extérieure pour faire nous-mêmes des falsifications : que ce soit de manière consciente sur Facebook ou inconsciente avec nos souvenirs, et que nos interprétations d’une situation sont de toutes façons biaisées par nos croyances et nos valeurs.
J’ai par contre trouvé peu plausible le changement de cap de Léna, qui devient tout d’un coup désireuse de propager un message de bonté et de paix grâce à son dossier de civilisation maya. Effectivement, les gens peuvent évoluer et c’est tout à l’honneur d’Antoine Bello de ne pas faire de manichéisme, mais je n’y ai malheureusement pas cru un instant, tout comme à son passé censé faire pleurer dans les chaumières. La postface était également à mes yeux tout à fait dispensable, même si elle est finalement dans la lignée de la trilogie, où la vérité n’est qu’un concept auquel on veut bien croire, selon notre bagage émotionnel et culturel.
Malgré ces bémols très personnels, il n’en reste pas moins que « Les Producteurs » d’Antoine Bello clôt une trilogie excellente, maligne, brillante et bien menée, à lire absolument.
Publié le 12 Mars 2015 chez Gallimard, 528 pages.
Pas mal de lectures prévues cet été, dont le premier tome de la trilogie. J'en ai entendu tellement de bien!
J'ai entendu beaucoup de bien des livres de Bello mais je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'une trilogie.
Très envie de me lancer dans cette trilogie, vraiment !!
@Choup : le premier tome est mon préféré!
@Tant qu'il y aura des livres : il a aussi publié d'autres romans qui n'ont rien à voir, mais Les Falsificateurs/Les Eclaireurs/Les Producteurs représentent bien une trilogie
@Noukette : elle est à la fois intelligente et facile à lire, un régal!
Bon c'est plié : je vais découvrir ces bouquins ! Je m'en vais emprunter les falsificateurs 🙂