« Alabama 1963 » est un premier roman écrit à quatre mains (je n’ai jamais vraiment compris comment on pouvait écrire un livre à deux, mais le résultat est très fluide!) par Christian Niemiec et Ludovic Manchette.
Comme le titre l’indique, si les auteurs sont français, l’intrigue se déroule en Alabama en 1963, dans un contexte où la discrimination envers les Noirs reste très forte, et où subsiste toujours la ségrégation raciale : c’est à Montgomery, capitale de cet état du Sud, qu’a eu lieu en 1955 l’arrestation de Rosa Parks et le début du mouvement de boycott des bus, et c’est à Birmingham, la plus grande ville d’Alabama, que sera perpétré l’attentat du Ku Klux Klan qui tuera quatre écolières noires, deux événements d’ailleurs mentionnés dans le roman.
Plusieurs fillettes ont disparu et ont été retrouvées mortes quelques jours plus tard, mais les policiers (blancs) ne s’intéressent pas vraiment à cette affaire dont les victimes sont noires. Alena Cobb, une jeune veuve noire qui est femme de ménage, est licenciée par sa patronne car son fils a joué avec la petite voisine blanche, et accepte à contrecœur un emploi chez un ancien policier, Bud Larkin, qui a dû quitter ses fonctions après avoir tué accidentellement son coéquipier. Il s’est reconverti en détective mais passe en réalité ses journées à boire. Lorsque les parents d’une des petites victimes le sollicitent pour retrouver celui qui a tué leur fille, il accepte l’affaire et demande à Alena de l’aider dans son enquête pour que les portes s’ouvrent et les langues se délient, le voisinage noir étant défiant envers un détective blanc…
J’ai lu avec bonheur ce livre savoureux, dont l’atout majeur est ce duo de personnages que tout oppose mais qui vont se révéler complémentaires et très attachants. Le racisme du quotidien est très bien dépeint, notamment dans le cadre du travail d’Alena (elle ne doit passer par la porte principale des demeures où elle travaille mais par la porte de service ; elle ne peut pas utiliser les toilettes de ses employeurs ; ceux-ci voient d’un mauvais œil la déségrégation scolaire ; elle a droit à des réflexions nauséabondes…), et le Ku Klux Klan n’est jamais loin quand des personnes blanches et noires semblent tisser un lien d’amitié…
« Alabama 1963 » possède une intrigue addictive (j’ai dévoré le roman d’une traite), le contexte historique est bien évidemment très intéressant, la galerie de personnages secondaires (l’entourage d’Adela, ses employeurs, des plus antipathiques aux plus sympathiques) est réussie, je regrette juste une certaine facilité dans la résolution de l’intrigue mais ce sera mon seul bémol pour ce roman vraiment très plaisant à lire ! A découvrir !
Publié en Août 2020 au Cherche-Midi, 384 pages.
30e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.