Petites Scènes Capitales – Sylvie Germain

 

J’ai lu Petites Scènes Capitales, de Sylvie Germain, dans le cadre du Prix ELLE, c’est le roman qui a passé les sélections de Janvier, face à l’Invention de Nos Vies – à ma grande satisfaction- et « Courir sur la Faille » de Naomi Benaron.
Lili dont la mère est décédée accidentellement après l’avoir abandonnée vit seule avec son père jusqu’au jour où celui-ci se remarie avec la belle Viviane. Elle se retrouve donc à vivre avec une belle-mère, mais aussi les quatre enfants de celle-ci: un garçon, Paul, et trois filles, l’aînée Jeanne-Joy et les jumelles, qui ont exactement le même âge qu’elle à un jour près, Christine et Chantal.
J’avais déjà lu au moins un livre de Sylvie Germain, mais n’en avais absolument aucun souvenir.
« Petites Scènes Capitales » a le mérite d’être extrêmement bien écrit, avec un très beau style qui m’a rendu cette lecture très agréable. Je l’ai lu d’une traite, de manière très fluide, même si j’ai parfois regretté une sur-écriture, trop de recherche pour rendre jolie la moindre tournure de phrases, et qui peut vite flirter avec le ridicule.
« Barbara: une chimère miniature engendrée par une mère-fantôme auréolée d’une flaque de soleil »
Même si j’ai apprécié le tour de force littéraire que représente la scène de la balançoire, lorsqu’on annonce à Lili la mort de sa mère, j’ai été vaguement agacée par l’avalanche de mots précieux, enfilés comme des perles jusqu’à l’indigestion
« Elle vole, elle vogue, elle vague dans un sein d’ombre odorante éclaboussé de macules de soleil, d’abeilles et de thyrses laiteux. Mais le lait est partout, il gicle par les trouées du feuillage en jets aveuglants. Du lait igné »
Sylvie Germain rend très bien la solitude de la petite fille, qui n’a aucun souvenir de sa mère, et tente d’imaginer celle qui l’a enfantée et dont elle ne possède qu’une seule photo. Une petite fille et son monde imaginaire, peuplé de Bilboc et de Dioscore. Une petite fille qui passe du statut de fille unique à un membre ordinaire d’une fratrie de cinq, où il faut se disputer l’attention des parents, où l’on s’aperçoit que ce n’est pas parce qu’on est l’enfant biologique de son père qu’on a forcément un statut particulier et sa préférence.
« Leurs luttes, entre enfants, sont opiniâtres, chacun bataille pour conquérir et affermir son territoire affectif auprès de l’un ou l’autre des parents, et pour imposer sa prééminence dans la fratrie. »
« Le faible que son père a pour Christine, et qu’il dissimule en vain, rend celle-ci très agaçante à Lili »Pourtant, à mesure que Lili grandit, mon intérêt pour le récit a faibli même si la lecture restait toujours plaisante. Tant que la fratrie était au complet, les personnalités et histoires de chacun, leurs interactions, vues à travers le prisme de Lili petite fille, rendaient le roman vivant et il y avait une finesse psychologique vraiment intéressante dans la narration. Malheureusement j’ai trouvé que le personnage de Lili en lui-même était finalement assez terne, comme il l’était écrit au début du roman:
« Elle, Barbara, alias Lili, n’est qu’un petite fille ordinaire, ni belle ni laide, ni docile ni rebelle, gratifiée d’aucun don spécifique, de celles dont on n’a rien à dire de particulier, que l’on remarque à peine »
Et qu’une fois qu’ont été traités les sujets de l’absence de sa mère, de son double prénom, de sa vie dans une famille recomposée, il n’y a plus grand chose à raconter sur Lili qui ne fait rien de vraiment exceptionnel alors que la narration court sur plus de cinquante ans. J’aurais préféré un roman plus court et plus dense, s’arrêtant lorsque Lili quitte le foyer vers l’âge de vingt ans  ou bien un bon gros pavé de saga familiale à la Cherchez la Femme plutôt que ce récit qui oscille entre les deux sans trouver la bonne longueur.
Même si je l’ai trouvé agréable à lire, je ne pense donc pas que ce roman me marquera plus que cela.
Voir les avis de mes co-jurées: Bianca, Fleur , Enna, Valérie

10 commentaires sur “Petites Scènes Capitales – Sylvie Germain

  1. Je suis tout à fait d'accord avec ton article, même si prise seule la scène de la balançoire m'a enchantée comme un poème.
    Ce que j'ai trouvé ridicule c'est quand elle joue de la musique au cimetière… Too much !

  2. on est nombreuses à avoir trouvé qu'il manquait une-je-ne-quoi du charme des autres romans de cette auteure. Mais si tu as aimé l'écriture, il faut que tu lises d'autres livres de cette auteure!

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