Bonjour Tristesse – Françoise Sagan

 

« Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse » : c’est l’un des incipits les plus connus de la littérature française contemporaine. « Bonjour Tristesse » est le premier roman de Françoise Sagan, écrit et publié lorsque l’auteur n’avait que 18 ans, en 1954, il y a 60 ans.

Cécile, âgée de 17 ans, passe l’été en compagnie de son père, veuf de longue date et la petite amie de celui-ci, beaucoup plus jeune que lui, Elsa. Le trio mène une vie facile, oisive et mondaine, sans contraintes. Lorsqu’ Anne, une amie de la famille, du même âge que le père,  intelligente, cultivée, et avec des principes, les rejoint, les vacances sont bouleversées: Raymond tombe amoureux d’elle et quitte Elsa. Adieu superficialité et farniente, Anne veut mettre la famille dans le droit chemin, s’oppose à la liaison entre Cécile et son petit ami Cyril, et force l’adolescente à préparer son baccalauréat. Partagée entre la peur de voir son monde s’effondrer et l’admiration qu’elle porte à Anne, Cécile décide finalement de manigancer pour que son père et elle retrouvent leur liberté.

Il est assez incroyable de penser que ce roman a 60 ans, tant je l’ai trouvé moderne, dans la forme comme dans le contenu. La problématique des familles recomposées, avec l’irruption d’un « corps étranger » qui peut perturber le mécanisme bien établi de la cellule familiale est très actuelle, tout comme la dichotomie entre le monde adulescent dans lequel vivent Cécile et son père, sans horaires ni contraintes, dans un contexte hédoniste, et le monde adulte d’Anne, où l’on a des responsabilités, un travail, des principes, un positionnement selon son âge. Car l’incursion d’Anne, qui a une quarantaine d’années, renvoie le père et la fille à leur âge réel: Raymond à ses responsabilités de père et aux engagements adultes, notamment le mariage, Cécile à sa vie de jeune fille, avec l’obligation de respecter les décisions des adultes, de ne pas voir qui elle veut, d’étudier, au lieu d’être traitée comme une égale par son père qui n’a pas d’ambition pour elle et lui fait vivre exactement la même vie que lui, l’habillant comme une femme et l’entraînant dans ses soirées.

J’ai trouvé très intéressant le personnage de Cécile, absolument pas manichéen. Elle fluctue de jour en jour, voire d’heures en heures, entre la volonté de se débarrasser de l’intruse qui perturbe son quotidien et son avenir, et l’admiration qu’elle porte à Anne, belle femme élégante, à la silhouette impeccable, intelligente, cultivée, ayant une carrière admirable. Elle est également reconnaissante à Anne de s’être occupée d’elle à sa sortie du couvent, et entrevoit la jeune femme accomplie qu’elle pourrait devenir si Anne prenait les rênes du foyer et de son existence. Mais elle supporte mal qu’Anne mette en lumière la superficialité de leur vie et méprise leurs fréquentations et passe-temps, et surtout qu’elle veuille changer leur vie, alors qu’aux yeux de Cécile cela n’a rien d’indispensable: elle n’a pas besoin de travailler pour avoir de l’argent, elle n’a pas d’ambition scolaire et professionnelle, et son père n’en a pas non plus pour elle, il estime qu’elle trouvera bien un mari fortuné pour l’entretenir si besoin.

Le roman est court, facile à lire, Cécile est attachante dans ses interrogations, ses analyses, même si la situation lui échappe. Cet été est une parenthèse dans sa vie, qui la marquera à tout jamais, en introduisant la tristesse dans son existence.
J’ai écouté ce livre, très bien lu par Sara Giraudeau, qui donne vraiment vie au récit et au personnage de Cécile avec une voix sucrée, détachée et un rien perverse.
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7 commentaires sur “Bonjour Tristesse – Françoise Sagan

  1. Je l'ai lu tout pile au bon âge, et je l'avais adoré, il a amorcé ma passion pour Sagan, elle sait merveilleusement parler de cet âge où on n'est plus adolescente mais pas encore adulte. En revanche, je ne l'essaierai pas en audio, j'aurais trop peur que le grain de voix me gène, car Sagan c'est vraiment une mélodie particulière.

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