Je n’avais jamais lu de livre de Saphia Azzedine, même si j’avais vu son film « Mon père est femme de ménage » et c’est un peu par hasard que j’ai emprunté « Bilqiss » à la médiathèque.
Bilqiss est le nom de l’héroïne de ce roman. Elle vit dans un pays qui n’est pas nommé, mais qui ressemble très fortement à l’Afghanistan. Femme à la forte personnalité et qui ne mâche pas ses mots, elle ne se résout pas à l’oppression dont est victime la population féminine et revendique le droit de vivre librement et de pouvoir faire des choses « comme ça », parce que cela lui plait. Elle est jugée pour avoir profité du fait que le muezzin ne réveillait pas, pour monter en haut du minaret et chanter l’appel à la prière – qu’elle a un peu modifié au passage. Mais le juge qui mène le procès n’est pas insensible à son charme et à son impertinence… Pendant ce temps, aux USA, des vidéos de Bilqiss à son procès, qui n’hésite pas à répondre du tac au tac aux accusations auxquelles elle fait face, attirent l’intérêt d’une jeune journaliste, qui décide de se rendre place pour couvrir l’événement.
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Même si j’ai été un brin étonnée des libertés prises par Bilqiss sans qu’il y ait eu représailles plus tôt, notamment le fait qu’elle parle avec des soldats américains et les accueille dans son sous-sol, j’ai été conquise par ce roman et par la plume de Saphia Azzeddine qui a créé un personnage dont le charisme crève la page! On alterne des passages plutôt drôles avec des épisodes bouleversants, la galerie des personnages est très bien réussie, notamment le Juge, partagé entre la rigueur de sa fonction et sa sensibilité naturelle, et l’auteur pointe du doigt non seulement les diverses violences – physiques, morales, psychologiques – subies par les femmes, que ce soit par les hommes locaux ou par les Américains présents dans le pays, mais aussi la commisération occidentale.Quel sacré personnage que cette Bilqiss! Difficile de rester insensible à une telle personnalité, une telle intelligence, un tel aplomb! Elle se moque des règles souvent ridicules qui régentent la vie des femmes et fait son possible pour préserver sa liberté dans un quotidien difficile, violent et injuste. Le ton est vif et enlevé, et Saphia Azzedine sait appuyer là où ça fait mal. Deux autres personnages prennent également la parole : le Juge, qui n’a jamais réussi à se faire aimer de sa première femme – institutrice et mentor de Bilqiss, qui s’est tuée de frustration – et dont les convictions sont malmenées par l’intérêt qu’il porte à Bilqiss ; et la journaliste américaine désireuse de sauver Bilqiss et qui oscille entre fascination et compassion misérabiliste. Ces deux personnages rendent visite à Bilqiss dans sa prison, et celle-ci ne se gêne pas pour les pousser dans leurs retranchements.
« Bilqiss » est un roman fort et actuel, un très beau portrait de femme prête à mourir pour avoir le sentiment de vivre, qui me donne envie de découvrir d’autres romans de Saphia Azzeddine.
23e participation au Challenge Rentrée Hiver 2015 organisé par Valérie et hébergé par Laure de Micmelo.
Publié le 4 Mars 2015 aux Editions Stock, 216 pages.
J'ai acheté ce roman un peu par hasard mais je ne l'ai pas encore lu. Contente qu'il t'ait plu.
Je l'ai adoré, l'héroïne est fascinante et les questions soulevées ramènent à l'actu et donnent à réfléchir ! Un très bon roman !
j'avis eu de retours mitigé et pas très enthousiastes, je vais peut-être me décider à le lire suite à ton billet.
@Tant qu'il y aura des livres : je sens qu'il va bientôt sortir de ta PAL:)
@Virginie : oui, une excellente héroïne et un sujet très actuel
@Clara : ce n'est pas un pavé, au pire il sera vite lu 😉