Otages Intimes – Jeanne Benameur

Je n’avais pas du tout été convaincue par « Profanes » de Jeanne Benameur, pourtant les avis enthousiastes sur son nouveau roman m’ont décidée à lire « Otages Intimes », et j’ai bien fait car c’est un coup de cœur!

Etienne, photographe de guerre, a été enlevé pendant une de ses missions dans un pays qui nous restera inconnu. Lorsqu’il est libéré, il se réfugie dans son village natal, auprès de sa mère Irène, et de ses deux amis d’enfance, Enzo et Jofranka avec qui il formait un trio inséparable, dans les jeux comme en musique.

 ;
Quelle beauté dans ce livre ! Tout repose sur l’écriture de Jeanne Benameur, d’une délicatesse, d’une pudeur, d’une finesse incroyables. Je me suis laissée porter par ce récit de l’ordre de l’intime, cette ambiance cotonneuse d’un repli sur soi, d’un repli sur le microcosme de l’enfance et des personnes aimées de longue date. Etienne, après avoir été libéré d’une captivité dont on ne sait pas combien de temps elle a duré, doit ré apprivoiser sa vie et la liberté, doit se remettre de ses peurs et de sa honte d’avoir eu peur, de ces journées à attendre l’écuelle ou une seule parole. Il est obnubilé par la dernière scène à laquelle il a assisté et qu’il s’apprêtait à photographier au moment où il a été enlevé, une femme et ses deux enfants qui remplissaient une voiture pour fuir, voiture où se trouvait déjà un homme qui semblait très malade, voire même mort. Qu’est devenue cette femme, a-t-elle été tuée avec ses enfants, a-t- elle réussi à partir, à refaire sa vie quelque part?
 ;

Jeanne Benameur réussit à écrire d’un effleurement, à coups de toutes petites touches, une histoire profonde avec des personnages solitaires, qui ont souffert d’abandons et de traumatismes : solitude de l’ancien otage, mais aussi solitude d’Enzo, « le fils de l’Italien » meurtri d’avoir été quitté par sa femme Jofranka, solitude d’Emma l’ancienne compagne d’Etienne qui n’a pas réussi à le retenir de partir en reportage, solitude de Franck, son nouveau compagnon, qui se demande si le retour d’Etienne ne va pas bouleverser leur fragile relation, solitude de Jofranka l’enfant adoptée qui, avocate à La Haye, se retrouve face à la douleur de ces femmes victimes de viols de guerre, solitude d’Irène, la mère d’Etienne, dont le mari a disparu en mer…Je ne sais pas si l’auteur s’en est inspiré, mais Etienne m’a fait penser à Brice Fleutiaux, photographe enlevé en Tchétchénie, et retenu en otage pendant neuf mois, dont la mort en 2001, un an après sa libération, m’avait beaucoup touchée.

« Otages Intimes » de Jeanne Benameur est un texte magnifique, à la fois beau et puissant, qui m’a littéralement transportée. Je ne m’attendais pas à aimer autant ce récit sans pathos et finement ciselé qui m’a réconciliée avec l’auteur. Un coup de cœur, à découvrir absolument!
 ;
Les avis de Jérôme, Noukette, Laure.
Publié le 19 Août 2015 aux Editions Actes Sud, 176 pages.
10e participation au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

11 commentaires sur “Otages Intimes – Jeanne Benameur

  1. Je ne connais pas cet auteur – le roman traite de la solitude, ce n'est pas un trop triste ? je cherche en ce moment des lectures "plus joyeuses" … mais je le note pour un emprunt futur à la BM

  2. Je n'ai été emballée par aucun des deux romans de cette auteure. A force de lire des critiques, j'ai failli craqué pour celui-ci mais je connais une blogueuse qui n'est pas très emballée alors je me dis que je ne dois pas aller contre ma nature. 😉

  3. @ Laure : merci pour m'avoir donné envie de le lire avec ton coup de coeur Bibliomaniacs! 🙂

    @ Jérôme : je vais donc découvrir ses précédents romans

    @Delphine Olympe : j'ai trouvé celui-ci très différent de Profanes, il vaut vraiment le coup de s'y essayer

    @Valérie : mais si Valérie, rebelle-toi contre ta nature 😉

    @Electra : ce n'est pas une lecture joyeuse, mais je ne dirais pas non plus qu'elle est triste, c'est assez mélancolique, mais en même temps il y a beaucoup d'espoir, notamment parce que les personnages s'entraident et se soutiennent. Mais effectivement, ce n'est pas le genre d'ouvrage qui te donne la patate!

    @ Joelle : Profanes est très différent, mais l'écriture de Jeanne Benameur est en effet très belle

    @Lucie : merci Lucie ! 🙂

Répondre à Eva Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *