Le Coeur du Pélican – Cécile Coulon

J’avais commencé « Le Cœur du Pélican » de Cécile Coulon à sa sortie, mais curieusement je n’avais pas réussi à entrer dedans et je l’avais mis de côté. Le Prix du Meilleur Roman des Lecteurs de Points m’a donné l’occasion de l’ouvrir de nouveau…et je l’ai dévoré!

Le personnage principal du « Coeur de Pélican » est Anthime, un adolescent nouvellement arrivé en ville, avec ses parents et sa soeur Héléna, dont il est très proche. Anthime se révèle être un prodige de la course à pied, promis à un avenir sportif radieux. Son don pour le sport lui apporte une certaine notoriété – il est surnommé « Le Pélican » – et un statut social non négligeable au lycée. Il a une petite amie, Béatrice, qui est très similaire à lui : sportive, déterminée et ambitieuse. Car Anthime est nourri par la rage de vaincre et d’être le meilleur. Mais à une course cruciale, Anthime se blesse et doit abandonner le sport. C’est le début d’un changement de vie radical. On retrouve Anthime vingt ans après, père de famille et menant une vie tranquille dans un lotissement. Après son échec, il s’est détourné de Béatrice, qui lui rappelait trop durement ses perspectives gâchées, pour sortir avec Johanna, sa terne petite voisine très amoureuse de lui. Il est devenu bedonnant, et ce n’est certainement pas le sport qui lui permettait de dominer les autres, seulement un certain matérialisme : sa maison est extrêmement bien décorée et équipée, et il est toujours parfaitement bien habillé, de costumes coûteux et faits sur mesure – Johanna veille au grain. Mais à l’enterrement de son ancien entraîneur, des railleries de camarades de classe sur son physique de sédentaire provoquent un tsunami chez Anthime : il décide de perdre du poids et de se remettre au sport, et qu’importe si sa femme n’apprécie pas puisque sa sœur, elle, le soutient. Et germe dans sa tête un projet fou pour être de nouveau considéré comme un champion: faire le Tour de France en courant.

Je ne suis pas sportive, je ne suis pas du tout adepte de course à pied, mais j’aime les romans qui parle de ce sport, notamment « Samuel Tillerman » de Cynthia Voigt, l’un de mes livres préférés. Comme Samuel Tillerman, Anthime n’est pas un homme aimable, au sens premier du terme : sa motivation première est d’être devant les autres, de briller, d’être reconnu, et il manque d’empathie. A part sa personne, seules comptent pour lui celles qui lui ressemblent : pas sa femme, qu’il n’aime pas, ou ses enfants, qu’il n’hésitera pas à laisser derrière lui, mais sa sœur avec qui il forme une sorte d’être hybride, et le souvenir de Béatrice, dont il s’est pourtant éloigné quand il a compris qu’il ne pourrait plus être au moins son égal – Johanna, au contraire, lui permettait de dominer quelqu’un. Pourtant il y a quelque chose de touchant dans cet homme qui est enfermé dans le passé : ni sa vie professionnelle, ni son confort, ni sa femme, ni ses enfants, ne peuvent le détourner de ces quelques années où il a été le Pélican, et de son amour perdu pour Béatrice, à qui il pense encore souvent. J’ai d’ailleurs trouvé qu’il y avait quelque chose d’américain dans ce roman, dans le culte de la réussite, du matérialisme, et dans l’importance donnée à l’athlétisme. Les moqueries de ses camarades du lycée sur son physique vont déclencher chez Anthime une sorte de crise de la quarantaine, un désir de second souffle qui pourrait être positif et bénéfique chez quelqu’un d’autre, qui se reprendrait en main, maigrirait, ferait du sport, mènerait une vie saine, mais chez Anthime cela va devenir une obsession, avec le rejet farouche de tout ce qu’il a pu construire durant vingt ans : il se retrouve à courir devant une foule, à penser à Béatrice, et à être collé à sa sœur – avec qui il partage des sentiments ambigus –  qui l’aide à mener à bien son projet, tout comme quand il était adolescent.

J’ai vraiment aimé le sujet du  » Coeur du Pélican » et le style de Cécile Coulon, et j’ai dévoré ce livre – paradoxalement j’ai aimé l’ambivalence d’Anthime, le fait que ce soit un anti-héros, peu sympathique, que son désir de briller de nouveau emporte dans un tourbillon complètement fou. Je suis contente d’avoir eu l’occasion de finir ce roman et de découvrir cette auteure dont je lirai d’autres livres. Il me reste encore deux ouvrages à lire dans la sélection Points (Les Partisans, d’Aharon Appelfeld et Ciel d’Acier de Michel Moutot) mais c’est l’un de mes préférés de ceux que j’ai déjà lus, avec « La Route de Beit Zera » d’Hubert Mingarelli.

 Publié le 15 Janvier 2015 aux éditions Viviane Hamy, disponible en poche chez Points

35 commentaires sur “Le Coeur du Pélican – Cécile Coulon

  1. Je ne trouvais pas où laisser un commentaire ! Désolée, j’ai fait un détour par les urgences vendredi et j’ai mis du temps à rattraper mon retard !

    Je vais être la seule à émettre un avis différent – j’avais vu la romancière à la LGL et je voulais absolument le lire – j’ai mis du temps à le dénicher en bibli et je l’ai lu et là … déception ! enfin, je préfère chercher mon billet – j’ai aimé le style mais contrairement à toi, je n’ai pas trouvé d’ambivalence chez Anthyme – le personnage m’a déplu de bout en bout, dans tous ses rôles (père, mari, homme) – d’ailleurs il le dit haut et fort : il ne rêve que de son exploit, ne pense qu’à sa personne. Et le résultat, c’est que malgré le style ou l’histoire qui m’intéressait beaucoup (comme toi, j’aime ces histoires), je me suis finalement détachée du personnage et donc de son devenir, réussir ou pas, je n’en avais plus rien à faire !

    http://www.tombeeduciel.com/2015/10/le-coeur-du-pelican.html

    Bref, contente que toi tu aies aimé ! Je vais prochainement recevoir les trois livres de Points, j’ai hâte et en même temps, j’ai peur 😉

    1. j’ai lu ton billet, et effectivement je vois que tu as été mal à l’aise par rapport à la personnalité un peu psychopathe du personnage principal…
      j’ai bien aimé ta comparaison avec Forrest Gump, c’est vrai que c’est très américain ces grands défis un peu hallucinants qui montrent le héros qui se surpasse et qui accède soit à un statut qu’il avait perdu soit à une reconnaissance qui lui était jusque là refusée

  2. J’ai adoré ce roman alors que je partais sérieusement dubitative à cause du milieu sportif. J’ai lu tous les ouvrages de cette romancière qui n’a pas fini de faire parler d’elle, j’en suis sûre ! Elle est très jeune et elle a encore du temps devant elle pour nous réserver de bonnes surprises 🙂

  3. un grand merci pour votre billet, ça fait toujours plaisir de voir quelqu’un qui aime un livre après l’avoir lâché une première fois!
    bonne continuation,
    c.coulon

    1. Merci Cécile pour ce petit mot, j’ai hâte de découvrir vos autres romans (et je suis ravie d’avoir eu l’occasion de reprendre ce livre, et cette fois de m’y attacher!)

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