Présentation de la Rentrée Littéraire de Janvier des éditions Stock

Mardi matin, j’ai eu la chance d’assister à la présentation de la Rentrée Littéraire de Janvier des éditions Stock, un très bel événement qui était organisé au Musée Gustave Moreau.

Manuel Carcassonne, le Directeur Général de Stock et Charlotte Brossier, la Directrice Commerciale ont commencé par un bilan de l’année 2017 qui n’a pas été à la hauteur de leurs attentes en comparaison – alors que 2015 et 2016 avaient été d’excellentes années – malgré plusieurs prix littéraires  (le Fémina Essai à Jean-Luc Coatalem pour « Mes pas vont ailleurs » et le Prix Médicis Etranger à Paolo Cognetti pour « Les Huit Montagnes ») et des succès de librairie, notamment le dernier Didier Decoin, ou en non-littéraire le dernier Michel Cymes. J’ai été surprise d’apprendre par exemple que « Gabriële » des soeurs Berest ne s’était vendu qu’à 25 000 exemplaires, j’aurais imaginé des ventes bien plus hautes pour un livre de qualité qui a bénéficié d’une bonne couverture médiatique.

Raphaëlle Liebaert a ensuite pris la parole pour évoquer les deux livres de la Cosmopolite de cette Rentrée Littéraire de Janvier :

  • « Un autre Brooklyn » de Jacqueline Woodson, qui pour elle n’est pas dans la lignée des « grands romans américains » dont les auteurs sortent d’ateliers de creative writing, mais qui propose une vraie histoire en peu de pages, avec une écriture poétique. Ce livre qu’elle a qualifié de roman d’apprentissage se déroule dans le Brooklyn des années 70 dans un contexte de retour des soldats du Vietnam, lorsque les blancs désertent le quartier et que les minorités s’y installent, et raconte l’amitié entre quatre jeunes filles noires. L’auteure sera présente au Festival America, qui se déroulera à Vincennes en Septembre 2018.

 

  • « Keila la Rouge » est un inédit d’Isaac Bashevis Singer. On ne sait pas vraiment quand ce roman a été écrit, peut-être dans les années 50. Publié à l’origine en yiddish, il raconte l’histoire d’une ancienne prostituée qui a quitté le trottoir pour devenir une « bonne fille juive ». Quand un ami de son mari tente de lui faire reprendre son activité, elle veut demander conseil au Rabbin mais finit par tomber amoureuse du fils de celui-ci, avec qui elle s’enfuit aux Etats-Unis…

Elle a également annoncé les prochaines parutions de la Cosmopolite : un roman japonais, « Une forêt de laine et d’acier » de Nitsu Miyashita, qui a eu énormément de succès au Japon (500 000 exemplaires vendus), un roman italien, « Etre en vie » de Cristina Comencini, mais aussi le nouveau livre de Claire Fuller et celui de Rachel Kushner.

Puis c’est Anne Plantagenêt, qui est écrivain mais aussi traductrice qui est venue présenter :

  • « La Quatrième Dimension » de Nona Fernandez, livre chilien qu’elle a traduit. C’est une non-fiction qui évoque le témoignage d’un tortionnaire de la période Pinochet. C’est en effet un article dont le titre était « J’ai torturé » qui a éveillé la conscience politique de l’auteure lorsqu’elle avait quatorze ans. Ce livre est donc un témoignage sur la torture mais aussi le récit d’une femme qui se met en scène en racontant sa propre histoire et son éveil politique. Anne Plantagenêt a bien insisté sur le fait que bien que « La Quatrième Dimension » qui emprunte son titre à une série télévisée, soit un livre de non-fiction, c’est un livre non pas de journaliste mais bien d’écrivain. Elle l’a qualifié de « traduction la plus bouleversante à laquelle elle a été confrontée en vingt ans ».

Ce sont ensuite les auteurs qui ont pris la parole pour présenter leurs propres livres :

L’arrivée de JMG Le Clézio, prix Nobel de Littérature 2008, chez Stock a été une des grandes nouvelles de ce début d’année 2018. L’auteur, qui a gardé son allure de jeune homme, est venu nous parler de :

  • « Bitna, sous le ciel de Séoul », qui sortira en Mars. C’est la ville de Séoul qui a contacté JMG Le Clézio afin qu’il écrive sur la capitale de la Corée du Sud. L’auteur a répondu qu’il n’écrivait pas de livre de voyage mais qu’en revanche il pouvait écrire un roman se passant dans cette ville. Bitna est une jeune provinciale qui débarque à Séoul. Elle rencontre une femme plus âgée qu’elle, gravement malade, qui l’engage pour qu’elle lui raconte des histoires : le livre est donc composé des histoires que Bitna raconte à Salomé. JMG Le Clézio s’est notamment inspiré de légendes urbaines circulant à Seoul, par exemple l’histoire d’un homme qui suit des femmes afin de leur porter secours si jamais elles étaient attaquées…Il nous a ensuite parlé de la Corée, pays durement marqué par la guerre de Corée, une guerre que nous connaissons peu en France mais qui a provoqué la mort de vingt millions de personnes et a détruit Seoul. Cette ville a donc été complètement déformée par la guerre, puis par la modernité à la Samsung. Pour autant, la culture coréenne, si portée sur l’high-tech, vénère le livre et la Corée est le pays qui publie le plus de traductions après le Japon.

C’est ensuite le tour de Christophe Bigot qui nous présente son cinquième livre :

  • « Autoportrait à la guillotine ». Il nous a notamment expliqué qu’habitué à écrire des romans historiques, il avait changé de cap avec deux drames, les attentats, et le décès de sa mère.

Serge Toubiana nous a également présenté son premier livre « de littérature »:

  • « Les Bouées Jaunes ». S’il a publié plusieurs livres sur le cinéma, celui-ci est un livre unique à ses yeux car il évoque sa compagne Emmanuèle Bernheim, décédée en Mai dernier. Visiblement très ému – il en a fait pleurer plusieurs dans la salle, dont moi… il a eu des mots très touchants au sujet de celle qu’il a rencontrée en 1979 dans le cadre professionnel, avec qui il a adoré être ami, avant le début de leur relation, dix ans après. Il se raccroche aujourd’hui aux moments de bonheur qu’ils ont vécus ensemble, à des images comme celle d’Emmanuèle Bernheim nageant vers les bouées jaunes. En écrivant sur elle, il l’a fait en quelque sorte renaître,  et à ses yeux ce livre n’est pas triste, au contraire, il parle d’amour et de bonheur.  J’ai été très touchée par cette intervention, parce que les mots de Serge Toubiana étaient très beaux, mais aussi parce que j’ai eu l’occasion de rencontrer Emmanuèle Bernheim en 2014 car elle avait reçu le Prix ELLE document, et j’en garde le souvenir d’une femme avec beaucoup d’éclat, très avenante et qui m’avait fait une très gentille dédicace.

C’est aussi une histoire personnelle que Colombe Schneck nous a racontée avec :

  • « Les Guerres de mon Père », qu’elle envisage comme le pendant de « La Réparation », qui explorait l’histoire de sa famille maternelle. Ce livre, comme son titre l’indique, a comme sujet le père de Colombe Schneck, un homme charmant, solaire, très séducteur. Celui-ci a vécu deux guerres, la Seconde Guerre Mondiale pendant laquelle il a été un enfant caché, puis la guerre d’Algérie où, en tant que médecin, il a soigné des gens torturés. Colombe Schneck a eu accès aux archives de Vichy, et a trouvé des informations qui l’ont mises très en colère, mais elle a aussi retrouvé des gens qui avaient aidé et caché son père, et a compris que son père avait foi en l’humanité grâce à ces personnes qui avaient bravé le danger pour lui. Elle a également retrouvé d’anciennes maîtresses de son père. Cette enquête, cette écriture l’ont aidée à faire le deuil de l’amour inconditionnel que lui portait son père, et lui ont fait prendre du recul par rapport à lui, lui ont fait comprendre qu’il était un excellent père mais pas un modèle d’homme à rechercher.

Puis c’est Philippe Claudel qui est venu présenter son nouveau livre – qui sera publié en Mars, une publication rapide puisque l’écrivain a livré son manuscrit en Décembre :

  • « L’Archipel du Chien » est un roman qu’il avait commencé il y a 4 ou 5 ans, mais il a réécrit plusieurs fois le début. Ce livre est selon lui dans la lignée des « Âmes grises » et du « Rapport de Brodeck », ses plus gros succès. Le récit flirte avec le polar, il y a un côté métaphorique mais aussi des références à l’actualité avec par exemple une mer qui devient cimetière. Philippe Claudel avait envie de proposer un « page turner » à ses lecteurs, et de les accrocher avec une histoire possédant différents niveaux de sens. Philippe Claudel est lorrain comme moi, je suis allée lui parler à la fin de la rencontre et je lui ai dit qu’il était sans doute le premier auteur que j’aie rencontré en dédicace, au début des années 2000 à la Fnac de Metz! J’ai eu droit à une petite bise, qui m’a laissée toute rougissante!

Constance Debré est ensuite venue nous parler d’un livre à forte dimension autobiographique :

  • « Play boy » où l’avocate pénaliste évoque sa célèbre famille, ses parents toxicomanes et alcooliques, mais aussi son homosexualité. L’auteure nous dit qu’elle a voulu trouver une manière de raconter « ce que c’est d’être sur terre », mais aussi une langue, une structure de livre à l’ère de Netflix, où il y a un flou entre culture populaire et élitiste, où ce qu’on écrit doit parler à tout le monde. Ce récit parle d’amour, de sexualité, de genre, de famille, d’enfance…des thèmes finalement banals, selon elle, même si sa famille est connue. Il reflète l’existence, avec un mélange de tragédie et de comédie, où rien n’est grave jusqu’à la mort.

David Fauquemberg nous a ensuite rejoints pour son nouveau roman :

  • « Bluff », qui a pour fil conducteur une campagne de pêche. Ce livre est un hommage à la culture polynésienne, dans laquelle les morts sont toujours présents, ce qui donne lieu à plusieurs monologues dans le roman, l’auteur a découvert cette culture durant plusieurs années de voyage, et elle l’a changé en tant qu’homme et en tant qu’écrivain.

Et la dernière auteure à présenter son livre a été Emmanuelle Lambert pour:

  • « La Désertion » dont l’héroïne a le même prénom et quasiment le même nom que moi! Emmanuelle Lambert avait le désir de s’emparer du thème du fait divers, mais aussi d’inventer ce fait divers et qu’il ne soit pas extraordinaire. L’auteure a donc écrit un livre sur une femme qui disparaît de façon volontaire, alors qu’elle semble avoir une vie idéale. Le récit est structuré en quatre parties, une par narrateur : son supérieur hiérarchique, sa collègue Marie-Claude, son compagnon Paul, puis Eva elle-même. L’auteure nous propose une enquête sans enquêteur, un mystère sans coupable. Il n’y a aucun interrogatoire, que des interrogations…

 

Un événement qui s’est conclu par une visite de ce joli Musée.

Cette rentrée littéraire de Janvier chez Stock est vraiment alléchante, et d’ailleurs je ne me suis pas privée pour commencer à la lire : j’ai lu « Play boy » hier, et je viens de commencer « Les guerres de mon père ». Et je sais déjà que j’aurai lu « La Désertion » et « Les bouées jaunes » avant la fin du mois!

Un grand merci à Valentine Layet pour cette belle organisation et bien sûr pour l’invitation, qui a été très appréciée!

 

15 commentaires sur “Présentation de la Rentrée Littéraire de Janvier des éditions Stock

  1. Très sympa comme retour! ça doit être intéressant comme événement…. je ne connais pas bien les éditions Stock, quelles sont leurs particularités? Je lis très peu cette maison d’édition, à vrai dire. et c’est toujours intéressant de découvrir des romans qui ne font pas la une de tous les journaux et des blogs!

    1. c’est une maison d’éditions qui a pignon sur rue en France…ils ont deux collections majeures : littérature française (les livres bleus) et littérature étrangère (la Cosmopolite, avec jaquette rose) et ils publient également des essais… avec des auteurs très connus, chaque année ils ont des livres qui se classent dans les meilleures ventes, et des prix littéraires.

    1. ah non pas du tout, je suis née à Metz, j’ai étudié à Reims et en Angleterre, et je suis en région parisienne depuis 10 ans pour le travail – avec une parenthèse de 3 ans et demi dans le Nord de la France.

  2. Le bilan de l’année dernière a été difficile pour la plupart des éditeurs je crois, surtout en littérature générale et en jeunesse ! Espérons que ça reprenne un peu cette année 🙂

    Pour le coup parmi leur rentrée j’avais surtout repéré « Un autre Brooklyn » dont le résumé me fait un peu penser à « Miss Cyclone » de Laurence Peyrin (et je l’avais adoré), mais aussi « Toni » de Line Papin. J’attends de lire tes chroniques pour savoir si d’autres valent le coup d’être lus !

    1. je vais bientôt lire Un autre Brooklyn 🙂 un peu dubitative sur Toni, car je n’avais pas entendu que du bien du premier livre de l’auteure, mais je le tenterai également 🙂

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