Pierre Goldman, décédé en 1979, est resté dans les mémoires pour plusieurs raisons. Deux mystères, celui qui entoure toujours le braquage sanglant de la pharmacie Delaunay en 1969 – qui a tué les pharmaciennes et blessé un client et un gardien de la paix en civil?- mais aussi celui de l’assassinat de Pierre Goldman lui-même, en pleine rue, revendiqué par une organisation inconnue, « Honneur de la Police ». Un récit autobiographique « Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France » qui eut beaucoup de succès à sa parution. Mais aussi une raison beaucoup plus « people » : Pierre Goldman est le demi-frère aîné de Jean-Jacques Goldman. D’ailleurs, j’ai trouvé que le titre que Michaël Prazan a donné à cette biographie, « Pierre Goldman: le frère de l’ombre » n’était pas très opportun puisqu’il est assez ambigu pour que l’on puisse penser qu’il fait directement référence au célèbre chanteur.
Pierre Goldman est né en pleine tourmente en 1944 de parents juifs polonais résistants FTP-MOI. Après la guerre, sa mère, communiste, repart en Pologne tandis que Pierre reste en France où il sera élevé par son père Alter Mojsze et sa belle-mère. Dans les années 60, il entre à l’Union des Etudiants Communistes. Fasciné par la guerilla et la lutte armée, il est déçu par la tournure que prend Mai 68 en France et part à Cuba et au Venezuela où il participe à son premier hold-up. A son retour en France, il persévère dans le gangstérisme avant de se faire arrêter par la police, ayant été dénoncé pour le braquage et les homicides de la pharmacie Delaunay.
Cet ouvrage de Michael Prazan – il en fera également un documentaire – est à la fois une biographie de Pierre Goldman et une double enquête, sur les assassinats de la pharmacie et sur celui de Pierre Goldman. L’auteur, qui interroge amis et protagonistes, aimerait résoudre ces deux mystères. Lui qui a consacré une grande partie de son oeuvre aux idéologies meurtrières ne pouvait que s’intéresser à Pierre Goldman. On sent d’ailleurs au début une certaine fascination pour cet homme avec qui il partage les mêmes origines juives polonaises (qu’il évoque notamment dans « La Passeuse ») . Difficile de ne pas comprendre ce rebelle sans cause dont les parents ont été des héros de la résistance et qui, complètement paumé, cherche vainement une lutte armée à laquelle se raccrocher. Pourtant, au fur et à mesure du récit, l’agacement et le doute commencent à poindre. Pierre Goldman est un jeune homme doué, qui parle plusieurs langues couramment, notamment le polonais, l’espagnol (sans accent) ou encore le créole, qui obtiendra en prison des diplômes d’études supérieures, qui est passionné de musique afro-caribéenne mais qui, à l’opposé de l’éducation qu’il a reçue, n’a jamais vraiment travaillé,squatte chez ses amis, vit à leurs crochets, emprunte de l’argent qu’il ne rend jamais, et fait des hold ups et des magouilles – y compris après son acquittement et sa sortie de prison.
Pierre Goldman est une première fois jugé pour les assassinats des pharmaciennes en 1974, un procès à l’issue duquel il est reconnu coupable et condamné à la perpétuité. Il sera rejugé en 1976 : entre temps, un comité de soutien d’intellectuels de gauche s’est formé, et il est également devenu l’auteur d’un livre ayant eu beaucoup de succès, les fameux « Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France ». Ce second procès était nécessaire, l’enquête ayant été bâclée, mais c’est un curieux procès que nous conte Michaël Prazan, où l’on a l’impression que c’est l’auteur à succès et le fils d’un héros de la résistance qui est jugé, voire même le Juif polonais. Il est finalement acquitté pour les assassinats et condamné uniquement pour les trois autres hold ups qu’il a avoués. Mais Michaël Prazan met en avant des hypothèses et un témoignage qui selon lui mettent à mal l’innocence de Goldman...Trois ans après, celui-ci sera assassiné, alors que sa femme est sur le point d’accoucher de leur fils : là aussi, Michaël Prazan avance des hypothèses mais sans obtenir le fin mot de l’histoire…
« Pierre Goldman : le frère de l’ombre » de Michaël Prazan est une enquête passionnante sur les heures noires des années 60 et 70. Le portrait d’un jeune homme à la fois porté par la révolte des années 60 et en décalage avec son époque, qui ne trouvera jamais de combat à la hauteur de celui où se sont illustrés ses parents. Un personnage assez ambigu pour qu’à la fin du livre on ne sache pas si l’on a affaire à un paumé magnifique ou à un assassin manipulateur. Anarchisme, gangstérisme, prison, rebondissements judiciaires, mafia, assassinats…tous les ingrédients d’un fascinant polar sont réunis dans ce livre. Dommage que les questions restent en grande partie sans réponse…
Publié en 2005 au Seuil, 298 pages.
On sent que tu es restée sur ta faim…
j’ai beaucoup aimé ce livre, mais c’est vrai que c’est agaçant de ne pas avoir de réponses aux questions que l’on se pose…
libre à vous de vouloir à tout prix vous poser des questions mais en ce qui concerne les points ici évoqués ce que l’on sait ne va… pas, dans le sens de vos insinuations. Contrairement à ce qui est indiqué au début l’identité de l’auteur du braquage de la pharmacie du boulevard Richard-Lenoir a été indiquée, dans un livre que visiblement vous n’avez pas lu. Quant au mot « assassinats » (sic) que vous employez sur la fin : il n’a JAMAIS été utilisé, en dehors du double-crime dont Pierre fut accusé, même parmi les gens qui étaient le plus hostiles…
Pierre Goldman est un vrai personnage de roman policier, il est intrigant et ambigu. Je comprends que tu sois frustrée par le manque de réponse, on aimerait effectivement avoir le fin mot de l’histoire.
tu connaissais bien sa vie? c’est vrai que 40 ans après, il serait temps d’avoir des réponses!
De quel livre parle/parles tu Marcela?