Ce sont des choses qui arrivent – Pauline Dreyfus

 

« Ce sont des choses qui arrivent » de Pauline Dreyfus est le grand oublié médiatique du Prix Goncourt : on ne parlait que de « Pas Pleurer » de Lydie Salvayre – qui l’a finalement emporté – et de « Charlotte » de David Foenkinos – qui a quant à lui reçu le Renaudot et le Goncourt des Lycéens – mais pas du tout du troisième finaliste de ce prix littéraire. C’est pourtant celui-ci que j’ai lu en premier, même si je ne vais pas tarder à ouvrir les deux autres.

Natalie Saule de Sorrente, née de Lusignan, fait partie, de naissance et par mariage, des plus grandes familles aristocrates de France. Elle s’ennuie pendant la deuxième guerre mondiale, à Nice, puis de retour à Paris, auprès d’un époux avec qui elle a fait un mariage de raison, et soupire après les robes de soirée et les fêtes que la guerre a mis entre parenthèse. Une vie facile, futile, où les accrocs au contrat – « ce sont des choses qui arrivent » – n’ont pas d’importance tant que les apparences sont sauves. La mort de sa mère vient bouleverser ce savant équilibre : Natalie apprend que son père biologique n’est pas Lusignan, mais Armand Mahl… qui est Juif.
Apprendre qu’on n’est pas la fille de son père peut être bouleversant, surtout dans un milieu aristocratique où l’arbre généalogique est primordial, apprendre qu’on est également à moitié Juive, et ceci en pleine occupation, alors que les Juifs sont persécutés et arrêtés, est un gros choc pour Natalie, qui se sent soudain concernée par le traitement réservé aux Juifs, et qui tente de calmer ses tourments par l’utilisation de plus en régulière de substances illicites.

En lisant ce roman, j’ai pensé à Irène Némirovsky, qui sait très bien dépeindre les milieux fortunés, la futilité, la bêtise, que j’ai pu retrouver à la lecture de « Ce sont des choses qui arrivent ». J’ai trouvé la thématique de ce roman très intéressante – se découvrir des origines éloignées de celles auxquelles on est habituellement confronté, et ceci alors qu’appartenir à ce peuple est maintenant source de tous les dangers. Natalie est touchante dans sa façon d’examiner son visage ou d’aller se promener dans le Marais. Pauline Dreyfus dépeint très bien le désintérêt – voire l’approbation – du milieu auquel Natalie appartient pour la persécution d’une partie de la population. D’ailleurs, le fait que le père biologique de Natalie soit juif est une gêne pour son mari… sauf à la libération de Paris, où tout d’un coup il met ce fait en avant pour obtenir des protections, d’autant que le demi-frère de Natalie est un héros de la Résistance.J’ai eu du mal à m’attacher à ce roman. La faute à des personnages qui ne sont ni aimables, ni intéressants – superficiels, pleutres, égocentriques et profiteurs – le mari, Jérôme, en tête. Même Natalie, qui est quand même touchante, n’a aucune conscience politique, ne pense qu’à elle, et à part bouder quand on fait une réflexion antisémite ou vouloir sortir dans la rue avec une étoile jaune sur sa robe, ne lèverait pas le petit doigt pour aider son prochain et a une attitude criminelle envers son petit garçon. Difficile d’éprouver de l’empathie pour de tels personnages, pourtant très bien incarnés. Mais c’est une belle peinture de caractères, ainsi qu’une reconstitution très vivante du Tout-Paris de 1940-1945 avec ses artistes, ses aristocrates, ses grands bourgeois. Un roman grinçant, qui appuie finement là où ça fait mal.

21e contribution au Challenge 1% rentrée littéraire 2014 organisé par Hérisson

challenge 1% 2014

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