Je ne connaissais pas du tout Ruth Prawer Jhabvala, écrivain et scénariste, qui a pourtant reçu deux oscars pour ses adaptations cinématographiques (pour « Retour à Howards End » et « Chambre avec vue ») et c’est dans le cadre de la préparation de notre podcast Bibliomaniacs spéciale Chaleur que j’ai découvert le roman « Chaleur et Poussière », que l’auteure a d’ailleurs elle-même adapté en scénario pour le film éponyme de James Ivory. L’auteure, à la bibliographie et filmographie impressionnantes, sans parler des diverses récompenses prestigieuses qu’elle a reçues, a vécu dans de nombreux pays puisque née dans une famille juive allemande, elle s’est réfugiée en Angleterre en 1939, puis est partie vivre dans les années 50 en Inde avec son époux indien avant de s’installer à New York dans les années 70!
Dans « Chaleur et Poussière », Ruth Prawer Jhabvala évoque deux parcours de femmes britanniques en Inde, à deux époques différentes. La narratrice, qui n’a pas de nom, est une jeune femme d’une trentaine d’années qui arrive en Inde dans les années 70. Pendant son séjour, elle cherche à en savoir plus sur la première épouse de son grand-père, Olivia, qui défraya la chronique dans les années 20 en quittant son époux pour le Nawab, le prince indien local. L’histoire d’Olivia va faire écho à la propre vie de la narratrice…
Voilà un roman pour lequel j’ai vraiment un avis mitigé! L’idée de départ est très alléchante: croiser deux portraits de femme sensiblement du même âge, toutes les deux en Inde, toutes les deux à la croisée des chemins, mais à des époques différentes. Les années 20 sont l’occasion de replonger dans la période coloniale, les Britanniques dépeints sont essentiellement des fonctionnaires en poste en Inde pour administrer le pays dans le contexte de l’Empire Britannique, le fameux empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Les rapports entre Indiens et Britanniques ne sont pas toujours évidents, en raison des différences culturelles mais aussi d’un certain mépris colonial. Les femmes décrites sont les épouses des fonctionnaires, qui vivent souvent en milieu clos, s’ennuient toute la journée en attendant le retour de leur mari, et souffrent du climat indien. Dans les années 70, la situation a bien changé, la révolution sexuelle est passée par là, les mœurs se sont libérées, et les Britanniques qui se trouvent en Inde sont plutôt des hippies en quête d’exotisme et de spiritualité.
« Chaleur et Poussière » est donc loin d’être inintéressant, et l’écriture de Ruth Prawer Jhabvala est plutôt élégante, avec des descriptions très réussies, notamment de ce monde colonial qui a disparu, avec par exemple les tombes des Britanniques, mais aussi de leurs enfants, aujourd’hui abandonnées maintenant que les familles sont rentrées au Royaume-Uni. L’essentiel du problème vient pour moi de la façon dont sont abordés les éléments majeurs de l’intrigue : ils sont à peine esquissés, avec une sorte de pudeur qui m’a tenue à distance du déroulement de l’intrigue, et qui m’a empêchée de m’attacher aux personnages. Ruth Prawer Jhabvala évoque pourtant des sujets forts : l’adultère, l’avortement, le décalage culturel, mais sa retenue limite l’intensité du récit. On sait dès le début du roman qu’Olivia et le Nawab vont avoir une liaison puisque c’est dit par la narratrice dès les premières pages, pourtant cette liaison n’est pas abordée frontalement, elle n’est décrite nulle part, aucune page du livre ne la met en scène ! Ne vous attendez pas à des scènes d’amour passionnées, il n’y en a absolument aucune, même un baiser, rien! Pour un roman qui s’appelle « Chaleur et Poussière » et qui laisse imaginer des corps entrelacés et couverts de sueur, c’est balot!
Ruth Prawer Jhabvala avait tous les ingrédients pour réussir un roman passionnant : l’Inde, deux personnages féminins, des époques mouvementées, des liaisons subversives…Malheureusement, « Chaleur et Poussière », s’il se lit sans déplaisir, ne suscite pas vraiment de passion, et est plus « poussière » que « chaleur »…J’aimerais cependant voir l’adaptation de James Ivory car l’histoire est intéressante et je suis curieuse de voir comment elle peut rendre à l’écran…
Publié en 2013 en poche chez Libretto, traduit par Nicole Ménant , 197 pages.
Ma première participation au Mois Anglais 2017!
Dommage, sur le papier, ça avait en effet tout pour plaire !
hé oui, la différence entre la théorie et la pratique…
Le début donnait envie…mais je ne l’ajoute pas à ma PAL vu ton avis 🙁
on l’a lu toutes les 4 pour Bibliomaniacs et nos avis sont grosso modo similaires…
Je vais passer alors …j’aime bien la chaleur moi! 🙂
ben oui, surtout quand elle est déjà dans le titre!
Comme toi, sur le papier, je trouve que le roman a tout pour attirer le lecteur ! Dommage que ce ne soit pas la même chose à la lecture… Je préfère me prévoir un peu de chaleur pour l’été !
peut-être que le film est plus réussi que le livre? A voir…
Quel dommage! Quand j’ai vu ton partage sur le groupe, je me suis dit qu’un roman colonial se déroulant en Inde me tenterait bien. Je passe mon chemin pour le moment. Je visionnerais bien toutefois l’adaptation car j’adore James Ivory et en particulier le film Chambre avec vue.
Hé bien, ça ne donne pas trop envie, alors je vais le laisser de côté… il y a plein d’autres bon romans indiens !
Je n’ai jamais lu le livre, mais j’avais accroché dans ma chambre (d’ado) l’affiche du film qui me faisait rêver. Pour une fois, le film est peut-être mieux que le livre ! C’est James Ivory qui l’a adapté. (Et j’adore James Ivory…)
Tu me refroidis… J’ai acheté ce livre parce qu’il a été adapté par Ivory, j’espère que ma lecture sera plus agréable que la tienne.
C’est l’auteure elle-même qui a écrit le scénario du film, par contre je ne sais pas du tout si l’adaptation est fidèle au livre ou pas, et si certaines scènes à peine évoquées (ou même pas du tout!) dans le roman sont plus mises en avant dans le film…