Joyce Maynard est une auteure que j’apprécie, j’ai lu tous ses romans traduits en français et j’ai adoré « Les règles d’usage ». Elle est aujourd’hui de retour avec non pas une fiction, mais un récit autobiographique, qui raconte sa rencontre avec Jim, leur histoire d’amour inespérée et puis l’annonce de son cancer, et le combat – à deux – contre la maladie…
Je ne suis vraiment pas fan des livres qui exposent la vie de privée de leurs auteurs, et ce n’est donc pas vers ce genre de lecture que je vais spontanément. Mais bon, puisque c’est Joyce Maynard, et puisque je sais qu’elle écrit avec talent, j’ai eu envie de lire « Un jour, tu raconteras cette histoire ».
Ce récit s’articule en deux parties : la première, « Avant », raconte cette rencontre amoureuse à laquelle Joyce, quinquagénaire, ne s’attendait pas, et la seconde, « Après », le combat de Joyce et Jim contre le cancer qui atteint celui-ci.
Après son divorce à l’âge de trente-cinq ans, Joyce Maynard a enchaîné près de vingt-cinq ans d’échecs sentimentaux jusqu’au jour où elle a fait la connaissance de Jim, un avocat de son âge, sur un site de rencontres.Elle retrouve enfin le bonheur auprès de cet homme intelligent, enjoué, cultivé, attentionné avec lequel elle partage dîners, voyages, balades à moto et concerts. Très vite, la relation devient sérieuse : le couple vit ensemble, achète une maison et décide même de se marier. Malheureusement, après trois ans de relation, Jim apprend qu’il a un cancer du pancréas. Commence alors le combat contre cette maladie que Jim et Joyce vont livrer ensemble.
Joyce Maynard est une auteure qui aime parler d’elle et de sa famille, et dans la première partie de ce livre, elle recrée la figure de Jim quand celui-ci était encore en bonne santé, et raconte avec beaucoup de détails tous ces moments de bonheur à deux, et tout le positif que Jim a apporté dans sa vie. A cinquante-sept ans, Joyce Maynard souhaitait rencontrer quelqu’un avec qui partager de bons moments, mais retrouver l’amour et se remarier étaient inespérés. Elle donne beaucoup de détails sur leur vie, mais je comprends tout à fait pourquoi elle a écrit ce livre : Jim étant décédé, elle a envie de fixer sur le papier les souvenirs des trois années heureuses qu’ils ont connues tous les deux, et de donner une postérité à son mari en rappelant à quel point elle le trouvait merveilleux, mais aussi en mettant en avant quelle était sa personnalité, comment il se comportait avant de tomber malade – une maladie grave et très impactante pour Jim qui va perdre beaucoup de poids, qui va perdre son énergie et devenir l’ombre de celui qu’il était.
J’ai senti qu’il était important pour Joyce Maynard que l’on ressente le bonheur et la sérénité apportés par Jim dans sa vie, alors qu’elle avait touché le fond sur le plan personnel, notamment avec l’abandon de ses deux filles adoptives, un épisode peu reluisant sur lequel elle s’ouvre avec franchise (à cinquante-cinq ans, alors que ses enfants biologiques, devenus adultes, avaient quitté la maison, elle adopta deux petites filles éthiopiennes – la relation avec ses filles adoptives se passant mal, et n’ayant plus l’énergie pour s’occuper d’enfants, elle leur trouva une autre famille d’adoption). Lorsque le cancer est diagnostiqué, comme dans Sciences de la Vie, le couple se lance dans un marathon médical, entre hôpitaux, médecins, guérisseurs, agriculteurs bio, protocoles scientifiques et thérapies alternatives.
Et Joyce Maynard ne cache rien des épreuves traversées par Jim, mais aussi de la tournure que prend leur union, qui passe brutalement de la lune de miel à une réalité sombre et brutale : « C’était cela le mariage. Le rêve romantique n’existait plus. On en revenait à la base ». Joyce se consacre totalement à l’accompagnement de son mari, qu’elle épaule au quotidien, dans ses visites médicales, comme dans ses recherches de nouveaux traitements, de nouveaux médecins, de pilules ou de plantes qui pourraient le soulager ou lui faire reprendre du poids et de l’énergie. Il y a les souffrances, la logistique (les médecins ou les hôpitaux se trouvant parfois à l’autre bout du pays), les frais financiers, la carrière de Joyce mise de côté, mais aussi la transformation soudaine de leur quotidien, avec le deuil à faire à la fois de l’insouciance et des projets. « Notre vie ensemble. Ce que nous avions imaginé. Ce qu’elle était devenue. », les sentiments de colère et d’injustice. Mais aussi des moments de grâce (« souviens-toi de cet instant ») et la pensée que tous deux n’ont jamais été aussi proches que dans l’épreuve.
Que dire d' »Un jour, tu raconteras cette histoire » ? Difficile de « critiquer » un livre aussi intime. Ceux qui n’aiment pas les déballages de vie privée grinceront sans doute des dents car Joyce Maynard s’épanche beaucoup et on a souvent l’impression d’être avec Jim et elle dans leur cuisine. Et effectivement j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs (je l’avoue, j’ai lu quelques pages en diagonale), et parfois un peu trop de détails. Mais cette histoire d’amour entre deux sexagénaires qui retrouvent un bonheur inespéré avant d’être confrontés à la plus dure des réalités est très belle, et surtout, Joyce Maynard écrit très bien, avec pertinence et sincérité, et même si elle parle de sa vie privée, elle aborde des thèmes universels, qui nous touchent tous : l’amour et la mort.
Publié en Septembre 2017 chez Philippe Rey, traduit par Florence Levy-Paoloni, 432 pages.
23e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2017.
Je pense que l’avoir rencontrée juste avant ma lecture (pour la deuxième fois) a évidemment joué un rôle dans mon avis. Je n’ai pas ressenti de longueurs et elle le dit bien, son boulot d’écrivain est de parler de choses « tabou » mais universelles, comme tu le dis : l’amour (moins tabou) mais aussi la maladie et la mort, choses auxquelles nous sommes tous confrontés un jour. Elle le dit aussi : elle ne cherche jamais à embellir la vérité, et j’avoue que les détails sur les effets de la maladie sont parfois difficiles à lire … mais ça serait aussi travestir la vérité que de ne parler que des généralités. J’ai récemment vu un acteur (ou écrivain?) bref quelqu’un dont le nom m’échappe qui a eu la chance de survivre à ce type de cancer, très agressif. J’ai immédiatement pensé au mari de Joyce ou à l’acteur Patrick Swayze.
Je suis de retour .. beaucoup de retard de lecture à rattraper – je commence par toi 😉
ah c’est gentil de commencer par moi 😀
oui on sent son désir de sincérité dans ce livre, surtout qu’elle ne se donne pas toujours le beau rôle (l’histoire de ses filles adoptives, le début de sa relation avec Jim où elle voit en parallèle le mec du bateau…)
Même si c’est signé Joyce Maynard, je compte passer mon tour. Je préfère me concentrer sur ses fictions… Et, selon ton avis, je fais bien!
je reste convaincue que ce récit peut parler à beaucoup de monde, les 2 thèmes évoqués restent très universels.
Je suis tout à fait en phase avec ton billet. Nos ressentis sont très proches.
contente qu’on soit sur la même longueur d’onde 🙂
Je fais partie de celles qui n’ont pas aimé ce déballage, mais c’est surtout la première partie qui m’a agacée quand elle cherche à tout prix un mec ! Aucun intérêt pour moi, et sur la même histoire, j’aurais préféré croire que c’était une fiction (elle aurait pu le traiter de cette manière)
je peux tout à fait comprendre que ce livre puisse agacer, même s’il a fini par me toucher
Ce livre m’a beaucoup émue, même si ce n’est pas mon préféré de l’auteur. Mais j’aime son écriture et son humanité, que l’on retrouve dans tous ses textes.
J’ai particulièrement aimé « Les règles d’usage » et « Long week-end » !
j’ai adoré Les règles d’usage! mais oui, elle écrit très bien, et c’est ce qui m’a fait apprécier le livre, alors que le sujet m’intéressait peu…
J’ai assez apprécié mes lectures de l’auteur, mais je suis persuadée que ce récit ne me plaira pas. j’ai beaucoup de mal avec les récits autobiographiques.
si tu n’aimes pas les récits autobiographiques, tu vas être servie avec celui-ci, donc effectivement, peut-être pas la bonne lecture pour toi!