« Et tu n’es pas revenu » de Marceline Loridan-Ivens a été un coup de cœur il y a deux ans (un livre à lire absolument!) , j’étais donc impatiente de lire le nouveau livre de cette femme pétillante dont le récent passage à LGL a été un vrai bonheur : « L’Amour, après », écrit également en collaboration avec Judith Perrignon.
Comme le titre l’indique, ce récit n’évoque pas directement la déportation de l’auteure à Auschwitz, alors qu’elle était seulement âgée de quinze ans, mais plutôt ce qu’il se passe après : comment vivre, comment aimer alors que l’on a été, si jeune, confrontée à l’horreur et à la mort?
Marceline Loridan-Ivens, née Rozenberg, va vivre éperdument, se plongeant dans les livres, la culture, l’engagement et les voyages – « En me déportant, on m’avait aussi arrachée à l’école, et je préférais me pencher sur ce que je n’avais pas appris que sur ce que j’avais vécu », et dans le tourbillon de la vie – « Tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu’on lui a laissé et qu’elle n’a pas le droit de gâcher ». Il y aura également beaucoup d’histoires amoureuses, dans lesquelles elle se replonge, à la faveur d’un tri dans une valise dans laquelle elle garde d’anciennes correspondances : des histoires qui seront marquées par la dualité de Marceline, sa partie sombre et suicidaire (elle fera deux tentatives de suicide) mais aussi son goût pour la vie « Elles cohabitent dans le même corps, l’une cherche la vie, l’autre flirte encore avec la mort. Il m’a fallu du temps pour les réconcilier ».
La vie amoureuse de Marceline est marquée par sa déportation. Une déportation où paradoxalement, elle découvrira l’autonomie et la liberté puisqu’elle devra survivre seule à l’âge de quinze ans, sans ses parents. Elle refusera donc après-guerre l’autorité, les convenances et le qu’en dira-t-on. Mais c’est aussi dans les camps qu’elle sera pour la première fois confrontée à la nudité. Cette découverte du corps ne sera donc pas associée à l’amour ou à la sensualité, mais aux mauvais traitements, au mépris, à la condamnation et à la mort.
« Je réalise la chance ou le talent que j’ai eus d’aller vers des hommes qui m’ont laissée libre et n’ont exercé sur moi aucune autorité. Ni mon mari conduisant des travaux au bout du monde, ni vous autres, amants intelligents et protecteurs dont j’ai voulu qu’ils m’apprennent un langage dont mon enfance et ma scolarité trop courte m’avaient privée, ne m’ont obligée à quoi que ce soit. Il n’y eut, après les camps, plus aucun donneur d’ordres dans ma vie. »
Avec sincérité, et souvent de l’humour, Marceline Loridan-Ivens raconte sans pathos ni déballage son rapport au corps, son engagement politique et ces rencontres qui ont marqué sa vie bien remplie. Contrairement à beaucoup de récits qui racontent la déportation et s’arrêtent à la libération du camp, celui-ci s’interroge sur l’après, les traumatismes, mais aussi sur la soif de vivre, de liberté et de savoir qui l’animent, et sur cette force qui fait dépasser les obstacles (« je suis une fille de Birkenau et vous ne m’aurez pas »). Le formidable témoignage d’une femme vive, impertinente et attachante!
Publié en Janvier 2018 chez Grasset, 162 pages.
9e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2018.
Je crois vraiment qu’il faut que je le lise. Ce témoignage me semble aussi lumineux qu’émouvant et intelligent, en tout qu’à c’est ce que je perçois à te lire.
c’est tout à fait ce que j’ai voulu transmettre dans mon billet !
C’est très tentant mais je vais peut-être commencer par « Et tu n’es pas revenu ».
ah oui, à mes yeux un indispensable !
Je pense que je vais commencer par le premier dont tu parles. J’en ai entendu beaucoup de bien.
c’est un très beau témoignage sur les relations père-fille et sur les dommages collatéraux de la déportation
Et tu n’es pas revenu est à ce jour mon préféré. l’amour après, annoncé comme non dispo à la bibli, est passé comme ’emprunté’. J’attends!
bonne lecture !
Comme j’ai lu et beaucoup aimé le précédent, je compte aussi lire celui-ci.
elle en a écrit un 3e – que je n’ai pas lu : Ma vie Balagan
Je veux également lire son premier – je suis en train de lire Maus qui aborde aussi « l’après » – chacun a vécu le pendant et l’après de manière différente (je l’ai vue chez LGL et elle mentionnait Simone Veil)
oui, elle et Simone Veil étaient très proches, elles ont été « compagnes » de déportation, même si elles n’ont pas forcément vécu la déportation de la même manière, Simone Veil ayant été déportée en même temps que sa mère et sa sœur. Leurs vies après guerre ont été très différentes également. Elle en parle dans « L’amour après. »
J’avais aussi beaucoup aimé son intervention lors de La Grande Librairie.
De quoi me donner envie de le lire !
oui quelle femme vive et pétillante!