L’héritage des espions – John Le Carré

En plein Mois Anglais, quoi de mieux que de se plonger dans le dernier roman en date de John le Carré, « L’héritage des Espions »?

Peter Guillam, franco-britannique d’un certain âge, vit tranquillement dans sa ferme familiale en Bretagne lorsqu’il reçoit une convocation pour se rendre à Londres, au siège des services secrets britanniques dont il est pourtant retraité. Il est interrogé sur son rôle dans l’affaire Windfall, une opération montée au début des années 60 contre la Stasi, lors de laquelle moururent un agent britannique, Alec Leamas, et sa compagne Elizabeth Gold, alors qu’ils tentaient de franchir le mur de Berlin. En effet, le fils d’Alec et la fille d’Elizabeth, font un procès au Service, qu’ils jugent responsable de la mort de leurs parents.

Peter Guillam se remémore cette affaire, ainsi qu’une autre affaire où une jeune femme allemande dont le nom de code était Tulipe avait trouvé la mort.

John le Carré est un maître du roman d’espionnage, je garde vraiment de très bons souvenirs de certains de ses livres, notamment de « La petite fille au tambour », mais aussi de romans mettant en scène son personnage le plus connu, George Smiley, archétype de l’espion britannique cérébral et intellectuel, dont Peter Guillam était l’adjoint. Je ne suis pas sûre que « L’héritage des espions » soit adapté pour qui voudrait s’essayer pour la première fois à un roman de John le Carré. Ce livre m’a semblé être plutôt destiné à « boucler la boucle » pour des lecteurs familiers de l’univers du romancier britannique et de ses personnages. « L’Héritage des Espions » fait en effet de nombreuses références au plus gros succès de John le Carré, « L’espion qui venait du froid », qu’il est sans doute nécessaire de relire si l’on ne veut pas être trop perdu à la lecture de ce dernier opus, tout comme dans une moindre mesure « La Taupe », qui est cité plusieurs fois.

Le monde qu’a connu Peter Guillam a disparu : la Guerre Froide, la Stasi ne sont que de lointains souvenirs. Son combat, ses actes sont jugés des dizaines d’années après, par une nouvelle génération d’agents britanniques qui n’a pas connu la lutte contre le communisme, qui n’a pas vécu à cette époque, et c’est sans doute la facette la plus intéressante de ce roman. Peter lui-même se demande si la fin justifiait vraiment les moyens, si tous ces morts en valaient la peine…surtout quand l’on se rappelle qu’Alec, Elizabeth ou encore la fameuse Tulipe avaient des enfants qui ont grandi sans leurs parents. On juge l’Histoire, avec les codes de sa propre époque, de son pays, de son éducation, comme le fils de Tulipe, Gustav qui déclare à Peter que sa mère était une pute qui a trahi la patrie, la révolution, le Parti…et qu’elle était une ennemie du peuple.

La vision de ces affaires par la nouvelle génération, par les personnes ayant été impactées indirectement, les « dommages collatéraux, » est vraiment l’aspect du roman que j’ai préféré. En revanche, j’ai trouvé le récit parfois embrouillé entre présent et passé(s), et manquant d’autonomie, étant trop lié à d’autres romans de John le Carré. Il y a également une incohérence qui m’a fait tiquer : Guillam et Smiley sont nés respectivement en 1931 et 1915, et si l’on ne sait pas vraiment quand se passe cette histoire, un agent mentionne tout de même iphone et ipad…donc l’intrigue se passe dans les année 10 avec des personnages qui devraient être largement octogénaire pour l’un et quasiment centenaire pour l’autre, alors qu’ils semblent avoir vingt ans de moins dans ce livre!

« L’héritage des espions » est un livre qui ne m’a pas déplu, mais que je ne recommande pas vraiment à ceux qui ne sont pas familiers de l’univers de John le Carré, et qui risqueraient de ne pas trouver leurs marques dans ce roman, voire même de s’y ennuyer…

Publié en Avril 2018 chez Seuil, traduit par Isabelle Perrin, 320 pages.

5e participation au Mois Anglais 2018.

10 commentaires sur “L’héritage des espions – John Le Carré

    1. oui, il y a un problème temporel dans ce roman…j’ai lu ton billet et vu que c’était un roman qui t’avait finalement bien plu, mais on est d’accord, il vaut mieux déjà connaitre l’univers de John le Carré

    1. c’est un auteur incontournable quand on aime les romans d’espionnage, sachant que Smiley son héros récurrent est un anti James Bond, il n’y a pas de gadgets, pas de grosses explosions, c’est beaucoup plus cérébral…

  1. bon, je le connais de nom et pour un reportage vu sur lui il y a peu lors de sa sortie de son dernier livre (l’interview était intéressante) mais je vais lire ses premiers. Ton bémol sur les erreurs temporelles m’est INSUPPORTABLE – iPad et 100 ans d’âge.. comment un éditeur peut laisser passer ça ????

    1. je n’ai rien contre les personnages intemporels à la James Bond…sauf que dans le cas de Smiley, il a une biographie, on connait son année de naissance… c’est typiquement le genre qui m’insupporte, je déteste les incohérences !

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