En Septembre, j’ai eu l’occasion de rencontrer Carole Fives au Salon Fnac Livres et donc de lire son dernier roman, « Tenir jusqu’à l’aube ». Celui-ci a un thème que j’ai jusque là peu rencontré en littérature puisqu’il évoque le quotidien d’une mère célibataire.
Une jeune femme se retrouve seule pour élever son fils de deux ans. Son compagnon est parti et n’est pas présent dans la vie du petit garçon. On comprend qu’elle connait peu de monde dans cette ville, qu’elle n’y a ni famille ni amis. La jeune femme est graphiste free-lance, elle a eu un début de carrière prometteur, mais le fait de devoir seule s’occuper de son fils l’empêche de se consacrer pleinement à son travail, et les contrats se font rares. Sans revenus conséquents, elle ne peut pas payer une nourrice, sans être salariée elle a des difficultés à postuler pour une place à la crèche et sans temps disponible pour travailler, elle ne peut pas augmenter ses revenus…La jeune femme se retrouve prise dans une spirale infernale, angoissée par les problèmes financiers, inquiète de ne pas obtenir de nouveaux contrats, et toute la journée en tête à tête avec son petit garçon, sans réel soutien de l’administration, des associations ou d’un quelconque entourage, sans personne à qui se confier, à qui vraiment parler. Même les forums Internet sur lesquels elle surfe ne lui sont d’aucune aide : elle a voulu un enfant, qu’elle assume son choix, et qu’elle se rende compte à quel point elle a de la chance par rapport à toutes celles qui aimeraient tant en avoir un…Sa seule respiration, c’est la nuit, quand son fils dort et qu’elle part se balader en ville, chaque fois un peu plus loin…
J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre qui, d’une écriture sobre, fait doucement monter la tension. Même si la mère et son fils passent une partie de la journée au parc, règne dans ce récit une atmosphère d’enfermement, d’étouffement.
« Ce n’était pas un appartement, c’était une planque. Elle s’y cachait depuis deux ans déjà. Deux ans dont les journées étaient consacrées à l’enfant, au corps de l’enfant, à son bien-être. Deux ans en vase clos. Ils ne sortaient que pour s’aérer, au parc de la Tête d’Or, qui était comme un appendice de l’appartement. Ou au Monoprix. »
Pourtant, on sent l’amour de la mère pour son petit garçon, mais les difficultés, le manque de soutien, le manque d’horizon, le jugement font craindre qu’elle dérape peu à peu. Les extraits de forum sonnent très juste et difficile de ne pas grincer des dents quand l’avocate explique à la mère que « le droit de visite et d’hébergement, comme son nom l’indique, n’est qu’un droit, en aucun cas un devoir » et que la justice peut obliger un parent à payer une pension, mais pas à voir son enfant s’il n’en a pas envie.
« Tenir jusqu’à l’aube » est un roman court – 174 pages – écrit sans fioriture et sans pathos, mais vraiment prenant et percutant. J’ai cependant trouvé la seconde intrigue assez dispensable, même si je sais pourquoi l’auteure l’a intégrée au roman, cette cause lui étant chère. Difficile de ne pas ressentir de l’empathie pour cette femme ordinaire – la trentaine, de bonnes études, un métier, un compagnon, un bébé – qu’un événement triste mais finalement banal, une séparation, plonge dans la précarité : une précarité financière, sociale, psychologique… Elle oscille entre une belle énergie pour s’en sortir – démarches, prospection, relances – et un certain immobilisme, refusant de changer de ville, voire même d’appartement, au cas où son compagnon reviendrait, et est une mère très attentive et dévouée, qui ne s’autorise que quelques bouffées d’oxygène même si celles-ci pourraient tourner au drame et la faire passer pour une femme inconsciente alors qu’elle est juste à bout de forces.
C’est la première fois que je lis un livre de Carole Fives et j’ai été conquise par le récit très contemporain et très humain qui se cache sous cette belle couverture d’Anni Leppäla. A découvrir!
Publié en Août 2018 chez Gallimard (L’Arbalète), 192 pages.
25e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2018.
Je l’ai beaucoup aimé aussi.
un beau roman très pertinent!
À vos ordres, miss Eva. Je vais le découvrir! Ton billet vient de faire pencher du bon côté mon hésitation.
ravie de t’avoir convaincue 🙂
Très bon livre !
je plussoie 🙂