« Ici n’est plus ici », premier roman de Tommy Orange, est publié dans l’excellente collection Terres d’Amérique dont je suis toujours attentivement les parutions.
C’est un roman choral dans lequel on suit une douzaine de personnages, la plupart étant amérindiens : Tony, qui souffre du syndrome d’alcoolisation foetale ; Dene, qui souhaite recueillir des témoignages d’Amérindiens ; les sœurs Opale et Jacquie, ainsi que la descendance de cette dernière ; Edwin, jeune homme obèse, et son beau-père Bill ; et une bande de jeunes hommes (Calvin, Octavio, Daniel…) qui ont un plan en tête pour mettre la main sur plusieurs dizaines de milliers de dollars…tous ces personnages convergent vers un pow-wow de grande ampleur qui doit se tenir dans la Baie d’Oakland…
Si le prologue – sur l’urbanisation des Amérindiens – m’a beaucoup intéressée, je dois dire que le début du roman m’a fait peur : comme c’est un roman choral, chaque chapitre – assez long- est consacré à un personnage, et j’ai d’abord eu du mal à ne pas voir ce livre comme un recueil de nouvelles et à trouver un fil conducteur entre ces différents personnages. Et puis j’ai fini par accrocher à ce que proposait Tommy Orange et à dévorer « Ici n’est plus ici », notamment parce que j’ai trouvé très intéressante l’histoire d’Opale et Jacquie , que l’on rencontre tout d’abord à l’adolescence pour les retrouver lorsque ce sont des femmes mûres.
La plupart des personnages sont abîmés par la vie, pour des raisons diverses : alcoolisme, , familles éclatées, drogue, violence…mais ils réussissent néanmoins, cahin-caha, à avancer, et Tommy Orange sait, à travers quelques scènes, leur donner de l’épaisseur, de la consistance, et à les rendre d’une certaine manière attachants, même les « méchants » de l’histoire.
L’intrigue est bien construite et le récit est bien mené, les différentes vignettes finissent par s’imbriquer les unes dans les autres, les liens se créent entre les personnages…jusqu’à la scène finale. « Ici n’est plus ici » est assurément un roman malin, porté par le talent de l’auteur pour créer une multitude de personnages et les faire exister pleinement dans un récit polyphonique, ce qui est un exercice difficile. J’ai cependant regretté cette histoire de braquage et cette explosion de violence qui n’apportent à mes yeux rien au récit – qui aurait été tout aussi intéressant et passionnant « simplement » avec un pow wow final.
« Ici n’est plus ici » est un premier roman très bien maîtrisé, porté par la plume habile de Tommy Orange et son talent pour créer des personnages forts.
Publié en Août 2019 chez Albin Michel, traduit par Stéphane Roques, 352 pages.
14e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2019.
MERCI pour ton post Eva j ‘ai envie de le lire
merci à toi, ça fait plaisir !