Je publie enfin ma chronique sur « Cristallisation Secrète » de Yoko Ogawa, livre découvert dans le cadre du podcast littéraire Bibliomaniacs – dans l’émission de Mai 2019!
J’avais beaucoup aimé « La Mer », recueil de nouvelles de cette autrice japonaise, et j’étais ravie de la retrouver avec un roman. Le récit, raconté par une narratrice qui est écrivain, se déroule sur une île japonaise, où se produit un étrange phénomène : un régime totalitaire programme la disparition de certains objets. Une disparition qui n’est pas seulement matérielle, puisqu’elle concerne aussi le souvenir de ces objets, et les sentiments, les émotions qu’ils généraient. Seules quelques personnes arrivent à garder en mémoire ce qui a disparu : celles-ci sont donc traqués par les « chasseurs de mémoires » pour être éliminés, comme la mère de la narratrice, arrêtée, il y a un certain nombre d’années. C’est aujourd’hui le cas de son éditeur, que la jeune femme va cacher dans une pièce secrète de sa maison…
En voici un curieux roman! Je suis épatée par l’imagination de Yoko Ogawa: comment en est-elle arrivée à cette idée de disparition? Il faut un petit temps d’adaptation pour comprendre ce que propose l’autrice et y adhérer, mais quelle inventivité ! L’histoire est déstabilisante mais elle repose aussi sur des codes déjà connus, ceux des histoires qui se déroulent dans une dictature: décisions arbitraires, déshumanisation, propagande, résistance, traques, rafles, secrets… et également sur une ambiance qui mêle un côté cotonneux de huis clos et d’enfermement et une tension narrative. S’il y a un côté japonisant dans ce livre avec une dimension minimaliste et pudique, et quelques petits détails qui nous font comprendre qu’on est au Japon, ce n’est pas très marqué et ce récit pourrait finalement se passer n’importe où, n’importe quand.
L’écriture est superbe, j’ai retrouvé dans ce livre la poésie, les émotions, le pouvoir évocateur, que j’avais aimés dans « La Mer ». Je déplore quand même quelques petites longueurs – notamment les passages avec la dactylo – qui alourdissent un peu le récit , mais « Cristallisation Secrète » est globalement un très beau livre, marquant, et qui fait réfléchir. Une deuxième rencontre réussie avec Yoko Ogawa, une autrice dont j’ai très envie de continuer à explorer l’oeuvre.
Publié en 2013 chez Actes Sud, traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle, en poche chez Babel, 384 pages.
J’ai lu beaucoup de livres de Yoko Ogawa et celui-ci fait partie de mes préférés.
c’est vraiment une autrice intrigante !