Après « Underground Railroad », Colson Whitehead a reçu un deuxième Prix Pulitzer pour « Nickel Boys », qui nous raconte l’histoire d’Elwood Curtis, un jeune garçon noir dans la Floride des années 60.
Elwood a reçu une éducation stricte de la part de sa grand-mère et c’est un brillant élève qui travaille durant son temps libre chez un marchand de journaux. Il se prend de passion pour Martin Luther King, dont il possède un disque de discours qu’il écoute en boucle, offert par sa grand-mère qui pourtant n’a qu’une peur : que son petit-fils se mette en danger en manifestant. Alors qu’il s’apprête à intégrer une université, il est arrêté par la police à la suite d’une erreur judiciaire et envoyé dans une maison de redressement en Géorgie, dans la partie réservée aux Noirs- le récit se déroule en effet durant la ségrégation raciale.
Elwood se retrouve plongé dans un système corrompu où les conditions de vie sont difficiles pour tous, mais encore plus pour les Noirs – qui souvent ont été envoyés en maison de correction pour plusieurs années pour des motifs peu sérieux, voire très vagues. La nourriture qui leur est adressée par l’Etat est revendue aux commerçants locaux, ils doivent effectuer des travaux de réfection chez des voisins de la maison de correction…tout en devant donner l’image d’un pensionnat modèle. Quand l’un des garçons ne fait pas ce qui est attendu, un déferlement de violence s’abat sur lui…et certains adolescents disparaissent, purement et simplement (le livre s’ouvre d’ailleurs sur la découverte d’un cimetière clandestin dans les alentours plusieurs décennies plus tard). Elwood va néanmoins se faire un ami en la personne de Turner, qui purge sa peine en même temps que lui…
J’ai adoré toute la première partie du roman, lorsqu’Elwood réside avec sa grand-mère. J’ai trouvé l’écriture de Colson Whitehead juste et subtile, dans le portrait de ce garçon attachant, tout comme dans la création de scènes fortes et marquantes. La partie qui se déroule dans la maison de correction est également réussie, car l’auteur arrive à dépeindre aussi bien les journées banales que la violence la plus terrible, tout en évitant les scènes trop crues, en restant dans la suggestion, ce qui le rend accessible au plus grand nombre. J’ai néanmoins trouvé qu’à force d’être concis – le roman compte 250 pages – le récit manquait un peu de souffle, je n’ai pas été complètement embarquée dans cette histoire – les personnages secondaires sont par exemple peu développés, tout comme l’amitié entre Elwood et Turner, et si j’ai apprécié que l’on retrouve le personnage d’Elwood à l’âge adulte – car les dommages ne se résument pas aux années passées dans le pensionnat, celles-ci ont marqué durablement les protagonistes et les poursuivront toute leur vie, le twist final ne m’a pas convaincue.
J’en attendais un tout petit peu plus de Colson Whitehead, dont le « Underground Railroad » avait généré plus d’émotions en moi. Malgré ces bémols, « Nickel Boys » reste néanmoins un très bon livre, porté par un sujet fort. A lire!
Publié chez Albin Michel en Août 2020, traduit par Charles Recoursé, 272 pages.
C’est normalement le prochain sur ma liste mais j’hésite encore à le mettre en attente pour commencer par Underground Railroad. A voir… Tu recommanderais de commencer par l’un ou par l’autre?
Nickel Boys est plus court et plus accessible, je trouve… mais Underground Railroad a plus de souffle!
J’ai été complètement emportée par ce roman, dès lors que j’ai compris que les scènes violentes allaient rester suffisamment à l’arrière-plan, et n’ai pas ressenti les mêmes frustrations que toi. Cet auteur m’épate !
il a effectivement très bien su gérer les scènes violentes! C’est un bon écrivain, il en dit beaucoup en peu de mots.
Cela semble etre le livre du moment…c’est bien d’en entendre un bemol….c’est note en tout cas !
c’est un livre qui est « dans l’air du temps », et il a eu le Pulitzer (2e fois pour l’auteur!) ce qui n’est pas rien. Mais oui,vu l’auteur, vu le Prix, j’avais mis la barre plus haute.
Je vais commencer par le premier dans pas trop longtemps , si les livres reviennent dans ma bibliothèque ….
je viens de déposer les miens, que j’avais chez moi depuis Mars !
je l’ai lu en anglais l’an dernier, j’aime beaucoup son style mais je pense qu’il peut sembler un peu froid à certains lecteurs du coup ça peut effectivement troubler.
peut-être qu’en anglais ça passe mieux, en effet…