« L’autre moitié de soi » de Brit Bennett se déroule en grande partie dans une petite ville de Louisiane nommée Mallard. Cette ville a été fondée au milieu du XIXe siècle par un homme métis et depuis, à chaque génération, les habitants se marient avec des personnes noires à la peau plus claire qu’eux : dans les années 50, les habitants de Mallard ont la peau tellement pâle qu’ils pourraient passer pour des blancs – ce qui n’empêchera pas le père de Désirée et Stella Vignes d’être lynché par des racistes.
En 1954, ces sœurs jumelles ont 16 ans et décident de fuir leur ville, ainsi que la pauvreté et le manque de perspectives qui les affectent depuis la mort de leur père, pour rejoindre la Nouvelle-Orléans. Mais Stella va un jour couper les ponts avec sa sœur. Ce n’est que des années plus tard que Désirée apprendra que sa sœur se faisait passer pour une blanche pour travailler comme secrétaire et qu’elle a épousé son patron, sans lui révéler ses origines. Désirée, quant à elle, va épouser un noir à la peau très foncée. A la fin des années 60, elle est de retour à Mallard, fuyant la violence de son mari, en compagnie de Jude, sa petite fille, qui a hérité de la couleur de peau de son père…
J’ai beaucoup aimé cette saga familiale qui se déroule sur près de quarante ans, fluide et accessible malgré les thèmes complexes qu’elle aborde. J’y ai retrouvé un sujet rencontré dans un autre roman lu en 2020, « Africville » , Britt Bennett s’interroge de même sur ce qu’est être noir : est-ce uniquement lié à la couleur de peau? peut-on être noir avec une peau blanche? La question est bien sûr posée par rapport aux blancs, via le « passing » de Stella, mais en plaçant une partie de l’intrigue à Mallard où la pâleur du teint est très importante, Brit Bennett évoque aussi la discrimination dont sont victimes les personnages à la peau foncée comme Jude au sein de leur propre communauté. La notion d’identité et la dissimulation des origines ne se limitent d’ailleurs pas à la couleur de peau, puisque l’autrice les aborde également via la transsexualité. Il y a beaucoup de choses qui m’ont touchée dans « L’autre moitié de soi » – la relation entre Jude et son ami Reese, ou la peur qui ne quitte jamais Stella, qui s’enferre dans ses mensonges au point de tirer un trait sur son passé et sur sa famille, et de rejeter la seule amie qu’elle aurait pu avoir, de crainte que celle-ci ne devine ses origines…
Une très bonne surprise, à découvrir !
Publié en Août 2020 aux éditions Autrement, traduit par Karine Lalechère, 480 pages.
35e lecture de la Rentrée Littéraire de Septembre 2020.
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