Mes Vies Secrètes – Dominique Bona

Je connais peu l’œuvre de Dominique Bona dont je n’ai lu que « Colette et les siennes ». L’autrice est académicienne depuis 2013. Egalement romancière, elle revient dans « Mes Vies Secrètes » sur son parcours de biographe, et sur la dizaine d’ouvrages qu’elle a consacrés à plusieurs artistes du XIXe et XXe siècle, que ce soit Romain Gary, Clara Malraux, Stefan Zweig ou encore Berthe Morisot.

Dominique Bona nous parle de son éthique de travail : « je n’invente rien dans mes biographies. Je ne m’interdis pas le romanesque mais je le tire de la vie de mes personnages. Je m’attache à leur magie. Je ne comble pas les vides, qui sont inévitables pour le chercheur le plus appliqué et le plus aguerri. Je fuis les dialogues fictifs : quand les personnages parlent, ce sont des mots qu’ils ont prononcés  ou écrits et dont j’ai retrouvé la trace ». 

Adepte des biographies accessibles, orientées vers l’humain, elle va sur les lieux chers au cœur de ceux sur qui elle écrit, se plonge dans leur correspondance, cherche les liens entre eux. Et des liens il y en a : si elle évite d’écrire sur des gens qu’elle a connu personnellement, une biographie peut en cacher une autre, et l’on retrouve des personnages qui sont amis, amants, ou parents de plusieurs des sujets de Dominique Bona, notamment dans la grande famille des Rouart, que j’ai découverte à travers ce livre.

Dominique Bona aime les personnages complexes et mystérieux, comme Zweig ou Romain Gary, et les femmes à la forte personnalité, qui sortent de l’ordinaire et détonnent à leur époque : les sœurs Hereda, Camille Claude, Berthe Morisot, Gala Dali ou encore Clara Malraux. Tous sont des passionnés, et souvent de grands amoureux« Les personnages ont tout pouvoir sur leur biographe, qui ressent leurs ondes et en accuse les effets. Gary, avec ses masques, me désorientait, et j’ai fini par le perdre. Zweig m’a entraînée dans sa descente vers l’abîme et conduite aux portes de la dépression qui l’a finalement emporté. Berthe Morisot voulait que je sois droite et claire, comme elle, tenace et appliquée. Clara Malraux m’a communiqué sa joie, sa malice, et fait pleurer aussi avec elle, dans les moments de tendresse vaincue. Mais aucun ne m’a procuré comme Gala tant d’ondes dynamiques : l’énergie, la force qui va, tels sont ses dons de muse »

« Mes vies secrètes » est très agréable à lire : Dominique Bona fréquente du beau monde, que ce soit « dans la vraie vie » – Maurice Druon, Simone Gallimard, Jean-Marie Rouart … – ou dans le cadre de ses recherches. Le texte est bourré de références, d’anecdotes, on sent l’érudition, la culture de l’autrice sans pour autant que le livre ne soit pompeux ou pesant. Au contraire, c’est plutôt la curiosité de Dominique Bona pour ses personnages, l’affection qu’elle ressent pour eux, ses émotions lorsqu’elle découvre certains faits, qui transparaissent. 

L’ouvrage permet un regard global sur son œuvre puisque toutes ses biographies sont évoquées : il donne envie de redécouvrir Zweig, de partir à la rencontre de Clara Malraux, de se plonger dans la vie tourmentée de Camille Claudel… un très beau livre, que j’ai pris grand plaisir à lire ! 

Publié en 2019 chez Gallimard, en poche chez Folio, 320 pages.

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