Je ne connaissais pas du tout Frieda von Richthofen, et je l’ai donc découverte dans « Frieda », d’ Annabel Abbs. Je n’ai en effet jamais lu de romans de DH Lawrence, même si j’ai vu l’adaptation cinématographique de « L’Amant de Lady Chatterley » réalisée par Pascale Ferran en 2006.
Frieda est une aristocrate allemande née en 1879 qui, au début du roman, est mariée avec Ernest Weekley, un universitaire anglais brillant mais terne avec qui elle vit à Notthingham et a trois enfants. La jeune femme est assez insatisfaite de son quotidien, d’autant plus que ses deux sœurs mènent des vies beaucoup plus aisées et trépidantes que la sienne. Lors d’un séjour à Munich, à l’époque une ville très avant-garde, elle rencontre Otto Gross, amant de sa sœur Elisabeth, psychanalyste et adepte de l’amour libre : il devient également l’amant de Frieda, qui découvre le plaisir charnel et se révèle sur le plan intellectuel. A son retour en Angleterre, la jeune femme rencontre un ancien étudiant de son mari, DH Lawrence, un jeune auteur d’origine modeste. C’est le coup de foudre, et tous deux deviennent amants. Lawrence, que Frieda appelle Lorenzo, souhaite qu’elle rompe avec son mari et se marie avec lui : il envoie alors une lettre à Weekley, qui réagit violemment, en empêchant Frieda de revoir leurs trois enfants…
C’est la facette historique que j’ai trouvée la plus réussie dans ce livre : Annabel Abbs a su parfaitement contextualiser l’histoire personnelle de Frieda, tiraillée entre le puritanisme de son Angleterre de résidence, et l’avant-gardisme de son Allemagne natale. On croise d’ailleurs dans cet ouvrage nombre de personnages très intéressants : Otto Gross, les sœurs de Frieda, qui sauront embrasser l’amour libre tout en préservant leur place dans la bonne société ou encore DH Lawrence qui, fils de mineur, deviendra un des plus grands auteurs de son époque – et également l’un des plus sulfureux!
Frieda est une femme qui marquera durablement les hommes de sa vie, pourtant elle m’a fait de la peine – le livre n’en fait pas un personnage flamboyant, au contraire elle semble souvent être bien passive dans ses choix : elle prend un amant car sa sœur le lui conseille, en prend un autre car Otto Gross le lui conseille, et la rupture avec son mari n’est pas vraiment de son fait puisque c’est DH Lawrence, qui la veut pour lui seul, qui écrit à son mari pour lui révéler leur liaison… Quant à DH Lawrence, il semble bien peu sympathique dans ce livre : un homme possessif, qui manigance pour que Frieda ne puisse plus voir ses enfants, qui se sert de sa vie pour nourrir son œuvre, à la limite du pervers narcissique. La souffrance des enfants, victimes collatérales de la haine du père, est quant à elle très bien dépeinte.
L’histoire de Frieda illustre bien la condition féminine de l’époque : elle n’aspire finalement à rien d’extraordinaire – avoir une vie sexuelle épanouie, des conversations avec son conjoint, une stimulation intellectuelle… mais il est impossible d’être à la fois une femme libre et une mère de famille.
Une biographie romancée bien documentée mais facile à lire, au constat plutôt triste… à noter que l’autrice a également écrit un livre sur la fille de James Joyce, « La Fille de Joyce », que je lirai bientôt…
Publié en 2020 chez Hervé Chopin, traduit par Anne-Carole Grillot, 461 pages.
Et bin toute une decouverte….decouvrir les gens derriere les romans…helas toute une vie malheureuse…
je pense quand même qu’elle a eu de très bons moments, mais la perte de ses enfants a été très dure
ah quelle tristesse ! parfois c’est mieux de ne pas connaître ce qui se passe derrière le rideau …