Comme beaucoup de lecteurs, j’ai découvert Philipp Meyer en 2014 avec son roman « Le Fils », que j’avais beaucoup aimé. J’étais donc curieuse de lire « American Rust », son livre précédent, une nouvelle traduction de « Un arrière-goût de rouille, sorti il y a dix ans.
Dans une petite ville sinistrée de Pennsylvanie, vivent deux amis, Isaac English et Billy Poe. Isaac, dix-huit ans, un jeune homme surdoué, aurait pu aller dans une université cotée comme sa brillante sœur Lee, étudiante à Yale, mais a préféré rester à la maison pour s’occuper de son père handicapé suite à un accident de travail. Billy, vingt-et-un ans, aussi baraqué qu’Isaac est malingre, était une star du football américain au lycée et avait la possibilité de recevoir une bourse sportive mais il n’a jamais envoyé sa candidature et végète dans le mobile-home qu’il partage avec sa mère, Grace, qui n’a jamais saisi elle-même l’opportunité qu’elle avait de quitter la ville.
Mais un jour, Isaac vole 4000 dollars à son père et décide de fuguer pour rejoindre la Californie. Alors que Billy l’accompagne pour lui faire ses adieux, tous deux sont pris dans une rixe et Isaac, en volant au secours de son ami, tue accidentellement l’un des assaillants. Billy, qui a des antécédents de violence et est en liberté conditionnelle, est rapidement soupçonné du meurtre, malgré les tentatives du shérif Harris de le protéger en raison de l’amour qu’il porte à Grace…
J’ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman, j’ai trouvé le début un peu trop saccadé, mais finalement j’ai lu ce livre avec plaisir, car j’ai beaucoup apprécié l’écriture et l’ambiance de cette petite ville à qui les habitants sont aimantés, même si l’espoir ne semble résider que dans la fuite. Paradoxalement, Isaac et Billy ne sont pas les personnages que j’ai préférés dans ce livre, même si le séjour de Billy en prison m’a intéressée. C’est plutôt la relation entre Harris et Grace qui m’a plu, deux personnages cabossés par la vie, dont l’histoire d’amour au long cours est continuellement parasitée – par les sentiments que Grace a toujours pour son ex-mari, puis par les ennuis de Billy. Quant à Isaac, il a été pour moi une énigme, j’ai eu du mal à comprendre ce qui le motivait : pourquoi fuguer alors qu’il pourrait partir officiellement à l’université pendant que sa sœur, mariée à un homme très riche, engagerait quelqu’un pour s’occuper à plein temps de leur père ; pourquoi se lancer dans un périple à pied alors qu’il a une enveloppe pleine d’argent pour se payer un billet de bus ou de train ; même la bagarre qui fait basculer la vie des deux garçons semble arriver comme un cheveu sur la soupe. La fin, elle, m’a laissée perplexe : je n’ai rien contre les fins ouvertes, même celle-ci est tellement abrupte et brumeuse que j’ai cru que j’avais raté un chapitre !
Un avis mitigé sur ce livre, mais qui je pense, est principalement dû au fait que je l’ai découvert après « Le Fils » – or la plume de Philipp Meyer a beaucoup mûri entre son premier et son deuxième roman…mieux vaut sans doute lire ses ouvrages dans l’ordre chronologique d’écriture. A noter que la série éponyme va bientôt être diffusée, je suis très curieuse de voir cette adaptation!
Publié en Novembre 2021 chez Albin Michel (Terres d’Amérique), traduit par Sarah Gurcel, 496 pages.