La sortie d’un nouveau livre de Louise Erdrich est toujours une bonne nouvelle, a fortiori quand il a reçu le Prix Pulitzer. Je ne pouvais donc pas manquer de lire « Celui qui veille ».
Le roman se déroule en 1953, alors que le Congrès adopte une résolution de « termination ». L’objectif est de mettre fin aux différents traités signés avec les nations indiennes : les conséquences pour les Amérindiens seraient lourdes, puisqu’ils perdraient les droits spécifiques obtenus de haute lutte. Thomas Wazhashk, double fictionnel du grand-père de Louise Erdrich, se rend vite compte de l’impact qu’aurait cette Loi, et décide de mener un combat légal pour empêcher sa promulgation. En parallèle, l’on suit également le parcours de Patrice, surnommée Pixie, une jeune fille de la famille de Thomas, qui comme lui, travaille à l’usine locale, une horlogerie, et s’inquiète de la disparition de sa grande sœur Vera, qui ne donne plus de nouvelles depuis qu’elle est partie à Minneapolis…
Je ressors de cette lecture avec un sentiment ambivalent. Je me suis vraiment attachée aux personnages du roman, que ce soit Thomas, « celui qui veille » (un très beau titre qui lui correspond parfaitement), homme sage, avisé, meurtri par son passage dans un de ces fameux pensionnats pour enfants amérindiens, mais qui paradoxalement en est sorti avec une arme précieuse : l’instruction, ou Patrice, jeune femme courageuse qui souhaite prendre son destin en main. Le côté onirique est également très développé, via Roderick, ami de Thomas mort tragiquement, toujours présent à ses côtés, ou via les rêves de Patrice et sa mère, qui les confortent dans l’idée que Vera est toujours vivante et a besoin de leur aide.
Cependant, j’ai trouvé que ce livre tombait dans des travers que l’on retrouve habituellement dans des premiers romans : il y a énormément de thèmes et d’axes narratifs dans « Celui qui veille » – le combat de Thomas, le roman d’apprentissage de Patrice, les violences faites aux femmes… chaque axe aurait mérité de faire l’objet d’un roman indépendant et se retrouve un peu noyé dans cet unique livre – le processus légal est traité en pointillés, la recherche de Vera fait l’objet de quelques péripéties rocambolesques puis passe au deuxième plan, et il est parfois compliqué de comprendre quel est l’angle choisi par Louise Erdrich.
Pour autant, j’ai trouvé ce roman très plaisant à lire, notamment car j’ai senti que Louise Erdrich avait beaucoup d’affection pour ses personnages. Dommage qu’il perde de sa force narrative en s’éparpillant autant.
Publié en Janvier 2022 chez Albin Michel (Terres d’Amérique), traduit par Sarah Gurcel, 560 pages.