Après l’avoir découvert via « Le Ladies Football Club », j’ai retrouvé Stefano Massini avec son précédent roman, beaucoup plus impressionnant, puisqu’il avoisine les 900 pages : « Les Frères Lehman ».
Pas de panique, le livre est rédigé en vers libres (une habitude chez l’auteur italien), et les pages ne sont qu’à moitié remplies, ce qui fait que ce pavé est beaucoup plus accessible et rapide à lire qu’il n’y parait. Le roman nous fait partir à la découverte de la famille Lehman. Car si le nom de « Lehman Brothers » fait immédiatement penser à la banque qui a fait bruyamment faillite en 2008, ce fut d’abord une fratrie avant d’être une marque.
L’histoire commence en 1844 avec l’arrivée à New York d’un jeune homme venu de Bavière, Heyum Lehmann, qui changera rapidement son nom en Henry Lehman, fils d’un marchand de bestiaux. Ses frères, qui l’ont rejoint, et lui-même, vont d’abord ouvrir un magasin en Alabama, puis s’intéresser à la matière première, produite localement, le coton, avant de devenir intermédiaires, achetant aux producteurs pour revendre massivement aux grossistes…au fil des années, leur façon de travailler devient de plus en plus virtuelle et leur activité se rapproche de plus en plus de New York…
Stefano Massini est un dramaturge, et de cette histoire qui est déjà une formidable saga familiale à l’état pur, il crée un texte assez flamboyant, qui joue avec les codes de la religion du judaïsme (la famille Lehman est juive) et s’appuie sur des personnages hauts en couleur, poussés à l’extrême, jusqu’à en devenir des caractères. A travers l’histoire de la famille Lehman sur une centaine d’années et plusieurs générations, c’est aussi l’histoire des Etats-Unis qui se dessine, notamment la période de la Sécession, et celle du capitalisme et de l’économie virtuelle.
Malgré quelques petits coups de mou – car c’est un livre très dense – c’est passionnant, souvent drôle, car l’auteur ne manque pas d’humour, parfois quand même un peu trop outrancier à mon goût dans la description des personnages. C’est surtout fascinant de voir à quel point cette famille va être façonnée par son pays d’accueil, dans la plus pure tradition du rêve américain et de la success story, tout autant qu’elle va le façonner en se servant de tous ses événements marquants comme tremplins pour des opportunités de développement. D’ailleurs, le livre finit par se désintéresser de l’histoire de la banque à partir du moment où celle-ci n’est plus dirigée par un Lehman.
Une histoire assez incroyable, racontée de façon très originale par Stefano Massini : un livre qui sort assurément de l’ordinaire !
Publié en 2018 chez Globe, traduit par Nathalie Bauer, en poche chez 10/18, 850 pages.