« Une terrible délicatesse » est le premier roman de Jo Browning Wroe. On y fait la connaissance de William Lavery, dix-neuf ans, lors de sa cérémonie de remise de diplôme d’embaumeur, en 1966. Pendant la soirée, il apprend qu’un drame effroyable vient de se produire à Aberfan, où une école a été ensevelie lors d’un glissement de terrain, provoquant la mort de nombreux enfants (un événement qui nous est d’ailleurs raconté dans The Crown…). William se porte volontaire pour se rendre dans la petite ville minière, qui a besoin de nombreux thanatopracteurs en urgence…
Le livre fait de nombreux allers-retours entre plusieurs périodes de la vie de William. Dès les premiers chapitres, on comprend deux choses : que William, orphelin de père n’a pas vu sa mère depuis plusieurs années, mais aussi qu’il possède une voix magnifique mais a cessé de chanter. Le récit nous entraîne dix ans plus tôt à Cambridge, où William est l’élève le plus doué de la classe de choristes, dans laquelle il rencontre Martin, qui va devenir son meilleur ami; mais plusieurs chapitres se déroulent à Londres, où William fait son apprentissage d’embaumeur et vit chez la famille Finch, puis plus tard, après l’épisode d’Aberfan, alors qu’il est marié.
J’aime habituellement les livres basés sur des allers-retours temporels, mais je ne suis pas sûre que cette construction convienne à l’histoire qui nous est racontée, et qui aurait peut-être mieux mise en valeur avec une narration chronologique. En effet, l’histoire de William est marquée par plusieurs traumatismes, et les changements de temporalité brouillent le message, et n’aident pas forcément à comprendre les réactions du jeune homme.
Le personnage d’Evelyn, la mère de William, est très intéressant : c’est une mère aimante, mais qui n’a jamais vraiment trouvé sa place vis-à-vis du trio formé par son mari, Robert le frère jumeau de celui-ci, tous deux embaumeurs, ainsi que Howard, le meilleur ami du mari, dont on comprend vite qu’il est aussi le compagnon de Robert. Inconsolable de son veuvage, jalouse de Robert, elle essaie de soustraire William à l’influence de son oncle, et à une future carrière d’embaumeur, et le pousse vers le domaine de la musique. Or, de manière similaire, les allers-retours impactent la bonne compréhension de la personnalité d’Evelyn et ne lui donnent pas l’ampleur qu’elle mérite.
« Une terrible délicatesse » est un beau roman d’apprentissage, qui aborde de nombreux sujets intéressants: l’équilibre d’une famille, l’homosexualité, les troubles du stress post-traumatique…mais qui souffre à mes yeux d‘une construction inadaptée, ce qui complexifie parfois la compréhension de l’intrigue et des actes des personnages, et nuit à l’attachement qu’on peut leur porter – autant, par exemple, j’ai aimé le personnage de William à l’adolescence et lors du drame d’Aberfan, autant j’ai eu du mal à m’attacher à lui à l’âge adulte, jusqu’à le trouver parfois égoïste et toxique dans son couple.
Je garde cependant en tête que c’est un premier roman, et guetterai le prochain livre de l’autrice !
Publié en Août 2022 aux Escales, traduit par Carine Chichereau, 400 pages.
J’aime bien les changements de temporalité mais pas de trop non plus, je manque de me perdre dans l’histoire sinon 😄
Pour le coup, je passe mon tour…
Je te souhaite une belle journée.
merci pour ton commentaire, bon we à toi 🙂