Après « Les Bâtardes » d’Arelis Uribe, j’étais ravie de découvrir un nouveau livre chilien chez Quidam: « Kramp » de Maria José Ferrada.
Kramp n’est pas la version germanique d’une contraction musculaire mais la marque de quincaillerie représentée par D., le père de M. Cette petite fille, qui a sept ans au début des années 80, ne va pas beaucoup à l’école, elle sèche régulièrement les cours pour accompagner son père en 4L dans sa tournée des différents magasins de petites villes où il place des scies, des boulons, des clous …au nez et à la barbe de sa mère, un peu déconnectée de la réalité, qui ne se rend pas compte que M.mène une vie alternative. L’enfant est fascinée par les rituels du travail de son père : les chaussures que l’on cire pour qu’elles soient au maximum de leur brillance, les autres vendeurs que l’on retrouve à la cafétéria, les petites phrases, les notes de frais… Un jour, D. rencontre E., le gérant d’une salle de cinéma: E. est également photographe et D. profite de ses tournées pour le déposer dans les villages où il souhaite prendre des photos, et le ramener ensuite.
J’ai beaucoup aimé ce livre déroutant qui nous plonge dans la vie rêvée d’une petite fille, qui regarde avec des yeux d’enfant le monde des adultes : le travail du père, le comportement de la mère … Un événement va faire voler cette bulle en éclats et nous rappeler que nous sommes dans le Chili de Pinochet, avec ses drames, ses morts … ses fantômes.
Kramp est un beau roman d’apprentissage où l’entrée fracassante de la politique dans la poésie un peu décalée qui anime le récit, marque la fin de l’enfance et de la complicité entre un père et sa fille.relation père fille
Juste un bémol : des traductions parfois littérales, sans adaptation ou note explicative du traducteur,qui m’ont laissée perplexe – au Chili on parle de colegio mais fallait-il pour autant traduire par collège alors que le personnage a sept ans ? Et quid de la phrase où l’on nous dit que la deuxième lettre de Danemark (Dinamarca en Espagnol) est un I ?
Un livre original et percutant.
Publié en Avril 2023 chez Quidam, traduit par Marianne Millon, 132 pages.