Dans « L’été où mon père est mort » de Yudit Kiss, la narratrice évoque (comme le titre l’indique !), la mort de son père, intellectuel hongrois et fervent communiste, après une récidive de tumeur au cerveau.
Via le leitmotiv « L’été où mon père est mort » elle dresse le portrait de ce père qui a embrassé le communisme d’une manière si forte qu’il en a occulté son identité juive, et a réécrit des épisodes entiers de sa vie- comme l’acte fort de sa mère qui a tenté de lui éviter un destin funeste, à lui qui était adolescent durant la Seconde Guerre Mondiale- voire même de l’Histoire, que ce soit la Shoah ou les événements marquants de la deuxième moitié du XXe siècle, qu’il ne voit que par le prisme politique.
Ce livre, bien que très différent, m’a néanmoins rappelé « Affaires personnelles » d’Agata Tuszynska, publié aussi aux Editions de l’Antilope, qui évoquait également les thèmes du judaïsme et du communisme. Car le déclin du père a-t-il commencé avec la tumeur au cerveau ou avec les coups de canif dans l’idéologie communiste, auxquels son père était hermétique : 1956, année de naissance de la narratrice, et insurrection de Budapest, les diverses répressions contre les populations du bloc soviétique, le début de la guerre de Yougoslavie ?
A travers ses réflexions et aussi son questionnement sur l’histoire personnelle de son père (même si de nombreuses zones d’ombre subsistent), c’est aussi sa propre identité que la narratrice questionne, comme lorsqu’elle visite une exposition photo sur la communauté juive de Pologne. (Un moment très fort du livre)
Si je n’ai pas autant accroché à ce livre que je l’aurais souhaité (j’avoue que je m’attendais à une enquête à la Ariana Neumann dans « Ombres Portées », et que je me suis parfois perdue dans les interrogations et narrations de l’autrice), c’est cependant le portrait d’un homme fascinant que nous livre Yudit Kiss, celui d’un homme qui a fait abstraction d’un passé douloureux et mortifère, qui a survécu grâce au déni, pour devenir un homme nouveau, intellectuel et communiste.
Publié en Avril 2023 chez l’Antilope, traduit par Clara Royer, 332 pages