L’Heure des Garçons – Andreas Burnier

« L’Heure des Garçons » d’Andreas Burnier est un roman qui a été publié originellement aux Pays-Bas en 1969.

Le récit commence en 1945, à Eindhoven. On comprend que Simone, qui a environ treize ans, est une adolescente juive qui a survécu à la Seconde Guerre Mondiale et à la Shoah après avoir été cachée plusieurs années. Très vite, le ton est donné : la jeune fille n’a qu’une envie, être un garçon, et elle tente d’ailleurs de faire croire qu’elle en est un pour aller à la piscine sur le créneau qui leur est consacré, d’où le titre de l’ouvrage.

Pour Simone, être une fille est une injustice et un danger. Elle a conscience qu’être un homme c’est être libre – libre d’être dans l’espace public, d’exercer un métier intéressant, de draguer…et face aux hommes solidaires les uns des autres, les femmes sont des victimes, des objets de convoitise et de consommation. Peut-être que comme ses parents ont recueilli une jeune orpheline, ils la laisseront être leur fils, puisqu’ils auront quand même une fille?

Les autres chapitres, avec une chronologie inversée, évoquent plusieurs lieux où Simone a été cachée, en ville comme à la campagne. C’est donc une enfant, une adolescente tout au plus, qui raconte. Il y a une liberté de ton, une impertinence manifeste mêlée à une certaine naïveté parfois. Simone énonce des choses assez énormes – épouvantables, obscènes, ou juste décalées  – avec décontraction et candeur.

La froideur, la dureté ne sont jamais loin non plus. Avec la guerre, la Shoah, Simone a été et est encore confrontée à des situations difficiles – la violence, la mort,  font partie du paysage. Une partie de son entourage a été déportée, assassinée, dont le jeune Werner, figure fugace mais lumineuse de ce livre, comme un fil conducteur.

Dans ce roman d’apprentissage, il y a beaucoup de questionnements, sur la place de la femme, sur la religion, sur l’injustice… très présents également, l’éveil du désir et de la sexualité – et la première expérience homosexuelle – même si elle reste assez enfantine – avec une petite voisine, tout comme le dégoût de la puberté : à ses premières règles, elle tente de nier le phénomène en courant chez le coiffeur pour, sous un prétexte fallacieux, se faire couper les cheveux très court comme un garçon.

L’ouvrage est d’inspiration autobiographique. Si la chronologie inversée ne m’a pas aidée à entrer dans le récit, et que le côté queer et féministe est sans doute moins marquant aujourd’hui qu’il y a 55 ans, à l’époque, parler aussi librement d’homosexualité, de place de la femme, et de changement de sexe, devait être extrêmement provocateur et novateur. J’ai aimé ce ton direct, sans gêne ni tabou, l’humour sous-jacent du récit, mais aussi l’émotion, pudique, qui affleure au détour d’une phrase. Surtout c’est l’histoire d’une double violence – envers les Juifs et envers les femmes- mais aussi d’une double dissimulation: celle d’une enfant juive qui va passer plusieurs années cachée des Nazis, celle du garçon qui se cache dans le corps pubère d’une fille…

Publié aux éditions du Typhon en Mai 2025, traduit par Mireille Cohendy, 142 pages.

1 commentaire sur “L’Heure des Garçons – Andreas Burnier

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *