Jacky – Anthony Passeron

Comme beaucoup, j’avais adoré « Les Enfants Endormis », précédent roman d’Anthony Passeron sorti en 2022. L’auteur y évoquait le destin tragique de son oncle paternel Désiré, tombé dans la drogue et mort du Sida, tout comme sa femme et sa petite fille, entrecoupant la narration avec l’histoire des prémices de la pandémie et de la recherche médicale associée.

Avec « Jacky », Anthony Passeron continue d’explorer l’histoire familiale mais avec un changement d’angle puisque le projecteur est désormais braqué sur le père de l’auteur, dont c’est le surnom. Un homme proche de ses parents, qui ne compte pas ses heures dans la boucherie familiale, qui s’est marié et a eu des jumeaux. Un homme qui semble sérieux, fiable, travailleur, impliqué, mais que les drames familiaux, les échecs professionnels vont faire vriller jusqu’à déserter son rôle de père.

L’histoire est entrecoupée d’un fil conducteur original, celui des consoles de jeux – Atari, Nintendo, SEGA…- qui font leur apparition dans les foyers et qui vont passionner le narrateur et son frère, et au début, être un loisir commun pour le père et ses fils. C’est un nouveau monde qui s’ouvre aux jumeaux, un refuge, un imaginaire, un moyen aussi d’exprimer de manière virtuelle une virilité, une violence, que semblent attendre d’eux leurs parents et la société. 

J’ai été touchée par ce portrait d’un homme à la dérive, victime collatérale de drames terribles et d’un monde qui change, mais aussi par ces enfants qui voient, impuissants, Jacky déserter son rôle de père, et passer d’un homme responsable, respectable, à une sorte de marginal immature.

Même si je comprends pourquoi Anthony Passeron a écrit ce livre, et qu’il faut, en sus de ceux qui meurent, parler de ceux qui restent, souffrent et perdent pied, je pense qu’il aurait peut-être fallu qu’il y ait un livre intermédiaire, très différent,  entre « Les enfants endormis » et celui-ci. En effet, l’histoire qui nous est contée est déjà connue, en tout cas familière, car elle est distillée dans le précédent opus. Et puis le schéma narratif est similaire, avec ce côté informatif sur les jeux vidéos – comme avec le SIDA – mais même si cela m’a beaucoup intéressée, d’autant plus que je suis de la même génération qu’Anthony Passeron donc je me souviens très bien de la sortie de ces consoles, j’ai trouvé que ce rapprochement entre l’histoire familiale et les jeux vidéos était moins naturel, plus artificiel.

C’est donc un livre que j’ai apprécié, mais je pense qu’il plaira plus aux gens qui n’ont jamais lu Anthony Passeron qu’aux gens qui comme moi ont déjà lu « Les Enfants Endormis ». L’histoire est trop proche, les schémas narratifs trop similaires pour ne pas donner une impression de déjà vu et de manque d’originalité, avec une certaine facilité, comme si la même recette (à succès) avait été réutilisée.

Publié en Août 2025 chez Grasset, 208 pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *