« 22, Mapesbury Road » montre comment la forme et le fond d’un livre peuvent évoluer pendant son écriture. Rachel Cockerell voulait écrire sur sa grand-mère élevant avec sa sœur leurs enfants dans leur maison londonienne, d’où le titre. Et puis elle a découvert le passé de son arrière-grand-père David Jochelman, qui s’illustra dans une sorte de « spin-off » du mouvement sioniste, visant à trouver des alternatives à la Palestine : il fit venir des Juifs à Galveston au Texas pour les répartir ensuite dans les états du Midwest.
Et c’est ainsi que ce récit familial change de braquet : si Rachel Cockerell finit par évoquer cette grande maison où tous les enfants sont élevés ensemble, c’est après de nombreux détours, puisqu’elle s’attache d’abord à la création du mouvement sioniste, avec les figures de Herzl, Zangwill, les conférences de Bâle … puis nous parle du fils de David, Emjo Bashe, auteur de théâtre dans les années 30 à New York.
Et finalement, l’autrice décide de retirer sa voix du récit, en le composant uniquement d’extraits d’articles ou de témoignages. D’abord perplexe, j’ai trouvé que cela remettait pleinement le récit dans le contexte de l’époque (même si le choix des sources est toujours questionnable) avec parfois des positions qui peuvent sembler lunaires ou étonnantes de nos jours.
On lit par exemple ce que pensait Zweig de Theodor Herzl, et je n’imaginais pas un homme si charismatique. On voit également l’impact du pogrom de Kichinev sur la volonté d’accélérer la création d’un état juif, volonté semblant désespérée au vu des pistes explorées (l’Ouganda ?!). J’ai également découvert le rôle politique de Zangwill, que je connaissais en tant qu’auteur (« Le roi des schnorrers » est dans ma pal)
Et finalement, David Jochelman est peut-être le personnage le moins présent de cette histoire, qui est plutôt celle d’un mouvement parti de Russie pour trouver une terre refuge, et celle-ci sera différente selon les branches de la famille : Amérique du Nord, Angleterre, et Israël.
Un livre qui ne m’a pas emmenée là où je pensais aller mais que j’ai trouvé passionnant.
Publié en Octobre 2025 aux éditions de la Table Ronde, traduit par Myriam Anderson, 448 pages.



