Moi qui ne suis pas adepte des biographies, j’appréhendais un peu de lire « Fitzgerald le Désenchanté », ne connaissant de cet auteur que « Gatsby le Magnifique » dont je n’avais pas gardé un souvenir impérissable.
Pourtant, c’est avec plaisir que j’ai lu l’ouvrage de Liliane Kerjan, qui a réussi à produire une biographie très détaillée tout en étant fluide et facile à lire.
J’imaginais un auteur un peu dilettante, écrivant un de ses romans à succès entre deux fêtes somptueuses- c’est en fait un stakhanoviste de l’écriture, qui doit produire des nouvelles à intervalles réguliers et rapprochés s’il veut pouvoir faire face aux nombreuses dépenses du ménage.
« L’histoire de ma vie est celle du conflit entre un besoin irrésistible d’écrire et un concours de circonstances acharnées à m’en empêcher »
En effet, Fitzgerald a le mérite de ne pas dépenser pas sans compter, il dépense beaucoup et trop, certes, mais compte méticuleusement chaque dollar dépensé….malheureusement sans jamais arriver à trouver l’équilibre entre entrées et sorties d’argent. C’est d’ailleurs pour cela qu’il écrira autant de nouvelles, et peu de romans.
« Il faut éponger les dettes des avances, écrire à nouveau des textes brefs, renoncer dans le désarroi à l’interminable aventure du roman «
Mais c’est aussi un homme qui a tout pour réussir : la beauté, le milieu, l’éducation, le talent, et qui cependant, malgré quelques années de dolce vita où il fait la fête et voyage à outrance-années qui créent la légende de Scott et Zelda-mourra malheureux et dans la misère, abîmé par l’alcoolisme et sa relation conflictuelle avec Zelda avec qui la jalousie n’est pas seulement sentimentale mais aussi intellectuelle.
« Toute vie est un processus de démolition »
« Tu devenais folle et appelais ça du génie, j’allais à ma ruine et appelais ça de tous les noms «
« (Zelda) va jusqu’à accuser Scott de plagier ses lettres et ses carnets pour nourrir ses histoires.
Elle n’hésite pas à aller plus loin : selon elle, il l’empêche même de se faire une place dans l’écriture, ne serait-ce que dans les magazines populaires. »
Quand elle publie son roman, « Scott est furieux et exige des révisions, car il y voit une sorte de plagiat non seulement de son matériau mais aussi de sa manière d’écrire, et pire encore, une attaque personnelle à travers le personnage d’Amory Blaine », lui pourtant qui se nourrit de ses proches pour créer les personnages de ses propres romans, ce que lui reprochera Hemingway.
S’il connaît la gloire à vingt-quatre ans avec « L’Envers du Paradis » et obtient de bonnes critiques pour ses romans, ses ventes de livres ne sont pas si élevées – c’est un auteur qui va finalement se démoder, voir le prix de ses nouvelles fortement diminuer, alors que son grand ami et rival Hemingway connaît un fort succès, et qui finira par cachetonner à Hollywood en tant que scénariste-salarié à la semaine pour payer les frais médicaux de Zelda et la scolarité à Vassar de leur fille Scottie.
« Devenir subalterne, simple rouage dans la machinerie, poussière dans l’industrie. Mais il n’a plus d’autres choix pour payer ses factures, assumer ses obligations de père et d’époux »
C’est d’ailleurs un Fitzgerald père attentif, proche de sa fille et soucieux de son éducation que dépeint Liliane Kerjan, ainsi qu’un mari qui n’abandonnera jamais sa femme, en prenant en charge jusqu’au bout ses frais d’hôpitaux et d’internement même s’ils ne vivent plus ensemble.
C’est finalement à titre posthume que Fitzgerald deviendra un écrivain culte, icône des Roaring Twenties, aussi célèbre pour le couple sulfureux qu’il forme avec Zelda que pour ses romans devenus de véritables best-sellers. S’il n’a vendu que vingt-cinq mille copies de Gatsby de son vivant,« douze millions d’ouvrages de Fitzgerald ont été vendus dans le demi-siècle après sa mort », et les adaptations cinématographiques de ses œuvres sont légion.
Je pense que cette biographie de Liliane Kerjan s’adresse plutôt à des personnes ne connaissant pas forcément l’auteur, sa vie, ses œuvres, ou superficiellement, et n’apparaitrait peut-être pas assez profonde pour des lecteurs assidus de Fitzgerald, mais elle a le mérite d’être une bonne introduction au monde de cet écrivain, et de donner envie de se plonger dans sa prolifique bibliographie : pas moins de 164 nouvelles ( !) en plus de ses romans passés à la postérité.
En refermant ce livre je me suis empressée de me procurer « Gatsby le Magnifique » afin de le relire, et j’ai très envie de découvrir « Tendre est la nuit » donc il semble que cette biographie ait atteint son but…
comme toi, j'ai eu envie de rester dans cette ambiance et je viens de commencer Gatsby en livre audio 😉
moi aussi je me suis procuré Gatsby en audio !!! :-))
Je suis d'accord, c'est sans doute destiné à des gens comme moi qui connaissent mal l'auteur, même si j'ai lu plusieurs romans de lui.