Sur cette terre comme au ciel – Davide Enia

Vous le savez, je suis fan d’Elena Ferrante et quand j’ai vu « Sur cette terre comme au ciel » de Davide Enia, mon cœur n’a fait qu’un bond. Une superbe couverture, de la littérature italienne, et une histoire de famille sur trois générations en Sicile, avec la boxe comme fil conducteur…tout était réuni pour me faire passer un excellent moment de lecture! Pourtant mon avis, sans être négatif, est quand même très mitigé.

Davide Enia nous raconte l’histoire de la famille de…Davidù (est-ce un récit autobiographique?), un adolescent sicilien des années 90, depuis la Seconde Guerre Mondiale. Davidù est boxeur, comme avant lui son oncle – en fait, son grand-oncle – et son père, le Paladin, mort avant sa naissance. Il est amoureux depuis l’âge de neuf ans de la jolie Nina, la cousine de Gerruso, un gamin un peu godiche, souffre-douleur de ses camarades de classe, qui veut absolument être son ami et le suit comme son ombre. On découvre aussi les autres membres de la famille : Rosario, le grand-père, soldat en Afrique pendant la Seconde Guerre Mondiale, puis travailleur immigré en Allemagne, Umbertino le fameux oncle, bagarreur et grand amateur de prostituées,  et les femmes, plus discrètes dans le récit, Provvidenzia la grand-mère institutrice férue de latin et Zina, veuve avant d’être mère.

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Davide Enia

« Sur la terre comme au ciel » aurait pu être un grand livre, mais j’ai eu l’impression que Davide Enia faisait tout pour que je n’accroche pas à ce roman ! La narration est extrêmement perturbée par le choix de l’auteur de compliquer inutilement la narration en mélangeant sans cesse personnages et époques et en racontant chaque épisode de façon non chronologique, très souvent en commençant par la fin de l’histoire. Ce qui était pertinent dans Confiteor par exemple donne ici un récit très embrouillé, qui n’aide pas à s’attacher aux personnages. Sur un livre qui compte  400 pages, il m’a fallu lire presque la moitié du roman avant de bien comprendre où voulait en venir l’auteur, à m’y retrouver dans les personnages et à m’attacher à ce récit. Pendant près de 200 pages, j’avais en effet l’impression de lire après avoir trop bu – j’ai bien fait de persévérer car j’ai fini par aimer le livre mais ce début laborieux est beaucoup trop long à mon goût. Certains passages m’ont fait tiquer, comme celle où Gerruso est persécuté par ses camarades : ce qui aurait pu être une scène-clé du livre est devenu un épisode complètement hystérique que j’ai trouvé très mal maîtrisé. Le vocabulaire employé ne m’a pas toujours semblé très approprié comme lorsque Provvidenzia, la grand-père dit à Davidù qu’elle échangeait avec son futur mari Rosario en « communication non verbale » – une expression assez anachronique dans la bouche d’une grand-mère sicilienne dans les années 80 ou 90…

Pourtant, passée la première moitié du livre, une fois que les personnages étaient bien mis en place et que j’avais à peu près reconstitué le fil de l’histoire, j’ai commencé à vraiment apprécier ce roman, cette histoire d’hommes où les femmes sont quand même présentes mais à la périphérie. Des hommes qui n’ont pas eu une vie facile – Rosario a été soldat puis prisonnier en Afrique dans des conditions très difficiles, Umbertino a connu les bombes américaines sur la Sicile, Davidù a grandi sans père, tous sont confrontés aux attentats de la mafia – mais qui sont souvent solidaires et attachants. Même Umbertino, amateur de prostituées et qui a le coup de poing facile, devient un personnage plutôt tendre sous la plume de Davide Enia, avec des passages assez drôles, notamment quand il met en place un système pour fatiguer et déconcentrer ses adversaires à la boxe grâce aux services de prostituées. Il y a de très belles scènes, très fortes, notamment avec Rosario en Afrique, qui donnent vraiment du relief à ce roman.

Je suis contente de n’avoir pas abandonné ma lecture de « Sur la terre comme au ciel » de Davide Enia car ce roman me laisse plutôt un bon souvenir, et j’ai fini par aimer  cette famille d’hommes attachants, Rosario l’homme droit et digne, Umbertino le marlou au grand cœur et Davidù qui se construit – dans la vie comme dans la boxe – à partir de l’histoire de ses prédécesseurs.  L’auteur a plutôt une belle plume, malgré quelques maladresses, mais la construction de son livre nuit vraiment à l’histoire et c’est dommage : je comprends tout à fait le désir de faire des flashbacks, et des parallèles entre les vies des différents personnages mais le fait de passer « du coq à l’âne » en permanence impacte significativement la compréhension et le plaisir de lecture, et diminue également l’intensité du récit. Que le roman mette quelques chapitres à s’installer, soit, mais 200 pages… ? Un semi-ratage à mes yeux, mais je lirai avec plaisir les prochains écrits de Davide Enia car l’auteur a clairement du talent.  

Publié en Août 2016 chez Albin Michel, traduit par Françoise Brun, 416 pages.

11e lecture de la Rentrée Littéraire 2016

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13 commentaires sur “Sur cette terre comme au ciel – Davide Enia

  1. bon Marie-Claude m’a devancé (en Pal aussi vu tous ses achats 😉 )
    je l’avais aussi repéré et ton billet est le premier à émettre un bémol plutôt fort donc .. et puis ma PàL hurle famine pourtant comme toi il me tentait bien au départ mais 200 pages.. à mon dernier abandon, j’ai tenu à peine 50 pages ..

  2. C’est peut-être la traduction qui n’est pas très bonne aussi : la « communication non-verbale » il me semble que c’est le traducteur qui aurait dû choisir autre chose ? Enfin, ce n’est que mon avis, et puis le traducteur n’est pas censé transformer un livre moyen en chef-d’œuvre ! 😉

    1. c’est toujours difficile de savoir si le traducteur qui a failli, ou s’il transcrit les ratages de l’auteur…mais comme la construction est mon principal bémol, le traducteur n’y est pour rien ^^ (d’ailleurs c’est la traductrice de Soie, donc je lui fais plutôt confiance…)

  3. Tout pareil que toi ! J’ai eu beaucoup de mal à entrer dedans et à m’y retrouver, mais j’ai fini par apprécier, par aimer le héros et je ne rgrette pas cette lecture, même si ce fut un peu fastidieux par moments !

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