Article 353 du code pénal – Tanguy Viel

Il y a des romans que l’on n’aurait jamais ouverts sans les avis laudatifs de blogueuses de bon conseil. « Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel est de ceux-là. Je ne suis habituellement pas très fan des éditions de Minuit (oui je sais, c’est une maison d’édition très prestigieuse, mais je suis rarement conquise par les livres qu’elle propose – je ne dois pas vraiment être dans la cible), le titre est quasi cryptique pour quelqu’un qui n’a pas étudié le droit, et je ne connaissais pas du tout l’auteur. Et pourtant j’ai découvert un roman malin et bien ficelé avec lequel j’ai passé un excellent moment.

Tout commence par un meurtre : Martial Kerneur et Antoine Lazenec sont dans un bateau, qui tombe à l’eau? et bien c’est Antoine Lazenec, poussé dans l’eau par Martial Kerneur, et qui se noie. Très vite, Martial est arrêté, et emmené devant le juge. Il assume complètement son crime, et dans un long monologue, juste entrecoupé de quelques questions de l’homme de loi, il va expliquer ses motivations, ce qui a conduit cet homme tranquille à commettre l’irréparable.

tanguy viel
Tanguy Viel

Sur cette presqu’île près de Brest, quasiment tous les habitants travaillaient pour l’Arsenal, qui a licencié les trois quarts de ses employés. Tous ont touché une belle somme, de quoi se mettre à l’abri du besoin dans cette ville avec peu de perspectives d’avenir. C’est alors qu’arrive Antoine Lazenec : une Porsche, du charisme, de l’entregent et une idée qui va tout révolutionner – il veut racheter le château local pour transformer la côte en station balnéaire, et notamment faire construire des immeubles avec vue sur la mer. Et quels meilleurs clients que les locaux, qui ont très envie d’investir leur prime dans un bel appartement? Au début, Antoine n’est pas intéressé…mais Martial sait se montrer convaincant. Et puis l’homme respire la réussite et Erwan, le fils de Martial, en profite bien : balades en Porsche, matchs de foot en VIP, maillot signé par tous les joueurs…alors pourquoi ne pas montrer à son fils que lui aussi est capable d’investir, de se constituer un patrimoine, de s’assurer un avenir serein? Vous vous doutez bien que les plans de Martial, tout comme Antoine Lazenec, vont tomber à l’eau, avec des conséquences graves sur sa famille.

Tanguy Viel nous raconte l’histoire d’une escroquerie, menée par un manipulateur qui au lieu de s’enfuir, reste sur les lieux de son crime. Une histoire racontée de manière addictive par Martial Kerneur et qui m’a complètement ferrée. Le livre est court, efficace, se lit quasiment d’une traite, et comme je le disais en introduction, est vraiment malin. Tout se joue dans le huis clos du bureau du juge, un homme qui est dans l’ombre pendant quasiment tout le récit. On ne sait quasiment rien sur lui, il parle peu, pose juste quelques questions. Pourtant sa puissance est inversement proportionnelle à sa présence dans l’histoire, puisqu’il tient l’avenir de Martial Kerneur entre ses mains.

« Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel, qui vient d’obtenir le Grand Prix RTL/Lire n’est pas un coup de cœur, mais c’est le genre de roman bien écrit et bien ficelé, efficace et malin, qui se lit vite et tout seul, et qui est un vrai plaisir de lecture. 

 Publié en Janvier 2017 aux éditions de Minuit, 176 pages.

17e lecture de la Rentrée Littéraire de Janvier 2017.

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25 commentaires sur “Article 353 du code pénal – Tanguy Viel

  1. Je l’ai trouvé bien ficelé en effet ! Très sympa dans sa narration aussi, un bon moment ! j’ai d’ailleurs très envie de lire d’autres romans de l’auteur (je viens de m’en faire un petit stock !)

  2. Oh mais oui il faut contiuer avec l’auteur! Paris Brest parle déjà des Kermeur, et surtout La disparition de jim Sullivan est u n bonheur pour les amateurs de roman américain!

  3. Je suis un peu comme toi, je vois fleurir ce titre partout, et les avis élogieux à son sujet et… j’hésite ! Du coup, comme je ne connais pas du tout cet auteur, j’ai préféré commencer un de ses titres plus anciens, dont j’ai aussi lu beaucoup de bien (La disparition de Jim Sullivan), et si le test est concluant, je me laisserai sans doute tenter par celui-ci…

  4. Comme toi, je ne suis pas spécialement amatrice des romans publiés aux éditions de minuit, mais à force de lire et d’entendre de bonnes critiques à propos de celui-ci, j’ai très envie de me laisser tenter !

    1. je l’ai vu tout à l’heure au Salon du Livre 🙂 je pense lire Paris-Brest car on y « retrouve » (même s’il a été publié avant Article 353) le fils Kermeur…
      A demain ^^

  5. Je l’ai eu entre les mains à la médiathèque récemment puis je l’ai reposé car, comme toi, j’apprécie rarement les romans de cet éditeur.
    Après avoir lu ton avis, je vais peut être lui donner un chance quand même.

  6. Mouais bof ; je n’ai pas adoré ce monologue, je me suis même ennuyé ; je n’aime pas cette littérature ; j’ai l’impression d’étouffer.
    J’ai par contre adoré le dénouement, la décision du juge qui montre sa liberté et l’incroyable pouvoir qui en découle (ou inversement), ainsi que la force époustouflante de cet article 353 rédigé, paradoxalement pour un article de loi, dans un style poétique, philosophique, presque religieux ; un beau texte littéraire

    « La loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs :  » Avez-vous une intime conviction ? « .

    Cet accord du participe passé « ont faite » est tout simplement génial ; la langue française est d’une modernité, d’une souplesse, d’une finesse ahurissantes.
    Elle est d’une telle sophistication qu’elle permet d’énoncer précisément la plus fine de toutes les argumentations : cet article de loi en est la preuve.
    C’est magnifique.

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