« L’invention de nos vies » de Karine Tuil fait partie des romans en lice pour Janvier, et à l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas encore s’il a passé les sélections.
J’aurais pu attendre de savoir s’il arriverait dans ma boite aux lettres d’ici quelques semaines, mais le sujet me plaisait tellement que je n’ai pas pu m’empêcher de le lire avant de commencer mes lectures imposées (les trois livres sélectionnés pour Octobre viennent d’arriver !)
L’intrigue était prometteuse : Samir Taharétait ami à l’université avec un jeune couple, Samuel et Nina. Il a vécu une brève passion avec la jeune femme, qui est retournée avec Samuel quand celui-ci a fait une tentative de suicide. Samir, brillant étudiant en droit, a réduit son prénom en Sam sur son CV et s’est fait passer pour juif lors d’un entretien d’embauche. Vingt ans plus tard, il est un avocat reconnu du barreau de New York et a épousé une riche « Jewish American Princess ». Dans les interviews, il emprunte les éléments biographiques de Samuel. Celui-ci, écrivain raté, vit toujours avec Nina. Un jour, le couple voit par hasard Samir à la télévision, découvre l’usurpation, et décide de le revoir…
Ce roman semblait combiner tous les grands thèmes qui me sont chers : le changement d’identité, les secrets de famille, l’usurpation, le poids des origines, la judéité…le tout combiné à un triangle amoureux. J’en salivais par avance.
Sauf que…
Le début du roman est écrit à la truelle, avec des effets de style artificiels qui non seulement n’apportent rien au récit mais lui donnent un côté cheap et superficiel qui m’a presque fait reposer le livre.
L’intrigue repose sur de grosses invraisemblances : d’abord d’ordre psychologique : Karine Tuil veut nous faire croire qu’une femme qui a à charge un adolescent à problèmes, et dont le fils aîné est richissime et peut lui louer un appartement n’importe où, va rester dans une cité pourrie. Je n’y crois pas une seconde.
Mais surtout d’ordre pratique : s’il n’est pas si compliqué pour un Arabe musulman de se faire passer pour un Juif séfarade grâce à une possible similitude d’apparence et de nom de famille, il y a quelques écueils de taille. En effet, Samir fait officiellement changer son prénom en Samuel quand il intègre le cabinet de Pierre Lévy. Il n’empêche que ses papiers d’identité au moment de son embauche, et surtout ses diplômes sont censés porter le nom de Samir Tahar…Mais surtout, comment imaginer une seconde que le puissant et très religieux Rahm Berg va laisser n’importe qui épouser sa fille chérie sans faire au préalable quelques recherches sur l’heureux élu…De plus,
mariage signifie acte de naissance…sur lequel figurent les noms des parents de Samir…Quel Juif a des parents nommés Nawel et Abdelkader ? Dernier obstacle et non des moindres : pour se marier, un Juif doit prouver sa
judéité. Il y a même des rabbins spécialisés en généalogie quand manque un document nécessaire. Ce qui veut dire
que Sam Tahar n’aurait de toutes façons pas pu se marier avec Ruth. Bref, le socle de l’intrigue ne tient pas debout parce que l’auteur ne l’a absolument pas bétonné! On peut dire que je chipote, mais pour moi il n’y a pas eu assez de travail de l’auteur pour ficeler de manière crédible cette usurpation de religion.
mariage signifie acte de naissance…sur lequel figurent les noms des parents de Samir…Quel Juif a des parents nommés Nawel et Abdelkader ? Dernier obstacle et non des moindres : pour se marier, un Juif doit prouver sa
judéité. Il y a même des rabbins spécialisés en généalogie quand manque un document nécessaire. Ce qui veut dire
que Sam Tahar n’aurait de toutes façons pas pu se marier avec Ruth. Bref, le socle de l’intrigue ne tient pas debout parce que l’auteur ne l’a absolument pas bétonné! On peut dire que je chipote, mais pour moi il n’y a pas eu assez de travail de l’auteur pour ficeler de manière crédible cette usurpation de religion.
Il y a également de gros clichés, qui m’ont dérangés: le djihadisme fait bien sûr son apparition en plein milieu du récit, et les hommes arabes sont forcément décrits comme libidineux, voire carrément violeurs. J’ai trouvé Ruth et Rahm Berg très caricaturaux, et les personnages de Nina et surtout Samuel ne sont pas assez développés, comme si Karine Tuil n’avait pas su gérer la richesse des personnages et des trajectoires en moins de 500 pages…
Après un début difficile, je dois néanmoins reconnaître que j’ai été happée par le récit et emportée par le suspense. Il n’empêche que j’ai trouvé que ce livre ne tenait absolument pas ses promesses, ni sur le fond ni sur la forme.
Le très drôle billet de Coralie
Je vois qu'on a lu exactement le même roman de la même manière! Je dis même dans mon billet qu'elle aurait peut-être du écrire 2 romans au lieu de juste un 😉
oui on a l'impression qu'elle a voulu faire un gros milk-shake de tous les thèmes qui l'intéressaient, avec un traitement superficiel, au lieu de se concentrer sur une ligne directrice en approfondissant vraiment.
pffff! Je me faisais littéralement une joie de lire ce livre qui regroupe tous mes sujets de prédilections. je dois dire que tu me refroidis, et les clichés auxquels tu fais allusion m'inquiétaient déjà …encore un livre survendu à la rentrée littéraire (mais je le lirai quand même, pour être sûre que je suis déçue)
Il est clairement surcoté. Mais l'idée de départ était super bonne, c'est ça qui est frustrant…c'est un roman qui aurait mérité d'être retravaillé pour être affiné et approfondi. Je suis curieuse de savoir ce que tu vas en penser.
Je le commence aujourd'hui, surtout pour savoir s'il faut être déçue ou pas qu'elle obtienne (ou pas) le Goncourt puisqu'elle fait partie des quatre finalistes.
On saura ça le 4 Novembre 🙂
Je ne lisais pas ton blog à l’époque et vlan ! quel billet ! j’adore quand tu n’aimes pas et je pense (j’ai eu le livre entre les mains mais je ne l’ai pas lu) j’aurais aussi bondi de mon siège en lisant l’histoire de ce musulman qui épouse une riche héritière juive américaine sans que personne ne s’aperçoive de l’usurpation ! tout faux. Je peux lire un roman où des choses fantastiques (comme chez Moore) arrivent mais je n’aime pas quand on chipote avec la réalité quand on veut écrire un roman basé sur le réel .. bref ton billet me convainc de ne pas changer d’avis et de laisser ce livre à la BM sur une étagère !
je n’ai pas compris l’engouement pour ce livre…je déteste les incohérences et les histoires non plausibles, et sentir qu’un roman n’a pas été assez travaillé pour bétonner l’intrigue…