J’avais découvert Bernard Chambaz en regardant « La Grande Librairie », et son passage dans l’émission m’avait vraiment donné envie de lire son dernier roman « Dernières nouvelles du martin-pêcheur ». Un récent billet de Fleur m’a donné le petit coup de pouce pour sortir de ma PAL ce livre qui me faisait tant envie.
Bernard Chambaz et sa femme Anne ont perdu en 1992 leur fils Martin, âgé de 19 ans. En 2011, ils entreprennent une traversée des Etats-Unis d’Est en Ouest, lui à vélo, elle en voiture. « Dernières nouvelles du Martin-Pêcheur » est le récit de ce voyage, où Martin n’est jamais loin. Bernard Chambaz a une fascination pour le martin-pêcheur, dont le nom rappelle celui de son fils, et c’est un fil conducteur de ce livre.L’auteur raconte la route, les souvenirs qui lui sont liés-il avait réalisé cette traversée en voiture et en famille du temps où ils étaient encore cinq à la maison. Il raconte également les rencontres avec des personnes qu’il croise au gré des villes, mais aussi la vie de personnages célèbres de l’Histoire américaine, Abraham Lincoln, Theodore Roosevelt, ou encore Charles Lindbergh. Ces personnages ont tous un point commun: ils ont vécu la mort d’un ou de plusieurs enfants. J’ai été particulièrement touchée par Anne Morrow Lindbergh, dont je n’avais jamais entendu parler: j’ai une très mauvaise image de l’aviateur, dépeint en président antisémite dans « Le Complot contre l’Amérique » de Philip Roth, et j’ai découvert un beau portrait de son épouse, écrivain de talent, et aviatrice, qui vola enceinte de sept mois, et fut la première Américaine à obtenir une licence de pilote.
Un fait qui était relevé par François Busnel à La Grande Librairie était que la mythologie greco-latine est omni-présente aux Etats-Unis, pays que l’on perçoit souvent de France comme peu cultivé. Devises, noms de villes, références dans la littérature classique, c’est vraiment un axe très intéressant de ce livre.
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Le deuil est omniprésent dans « Dernières nouvelles du martin-pêcheur », mais si j’ai eu du mal avec les passages où Bernard et Anne Chambaz ont des visions de Martin adulte, je n’ai trouvé aucun pathos dans ce livre. Bernard Chambaz a une écriture pudique et sincère, où j’ai senti beaucoup d’amour pour son épouse Anne qui l’accompagne dans cette traversée et de qui il semble très proche. D’ailleurs, de la façon dont il en parle, je l’imaginais comme une jeune femme, alors qu’elle est grand-mère et doit avoir la soixantaine! Il y a des passages bouleversants, notamment celui où Bernard Chambaz raconte qu’Anne a appris le décès de leur fils alors que lui-même était parti faire un tour à vélo, et qu’elle a passé trois heures, seule à savoir et à devoir faire face, à devoir l’attendre pour lui annoncer que leur fils était mort. J’ai été également très touchée par le fait que la question la plus difficile pour eux est qu’on leur demande combien ils ont d’enfants.
J’ai ressenti parfois des petites baisses de rythme dans le récit, un peu comme lorsqu’on est sur un vélo, mais c’est dans l’ensemble un beau livre, qui donne envie de retourner aux USA, et de découvrir les Etats-Unis sur les petites routes, à la rencontre de l’histoire de ce pays. C’est aussi un très beau portrait en filigrane d’un jeune homme qui n’est plus là, et de ceux qui restent et ne l’oublient pas.
Publié le 15 janvier 2014 aux Editions Flammarion, 318 pages.
Bien que tu sembles moins enthousiaste que moi, je suis contente que tu aies apprécié cette lecture. Je crois que c'est le côté pas voyeur (pas de pathos) qui m'a plu. Je n'ai pas parlé de cette présence importante de la mythologie dans mon billet, tu fais bien d'en parler car c'est une partie intéressante du roman.
Bernard Chambaz a vraiment une écriture belle et pudique… le côté mythologique, je l'ai relevé car Busnel l'avait mis en avant dans LGL, sinon je serais peut-être passée à côté
Je lui tourne autour depuis un moment, pas encore sûre qu'il soit ou non pour moi.
je serais curieuse de connaitre ton avis
Je l'avais trouvé extrêmement digne et touchant à LGL, moi aussi je tourne autour…mais voilà le deuil d'un enfant, c'est pas facile de s'y coller;..
le sujet est traité sans pathos, mais on sent la profonde souffrance, 19 ans après la mort de Martin, donc oui, pour un parent, ça peut être très dur de se confronter à ce thème