Enon – Paul Harding

Voilà un roman qui n’a absolument rien de joyeux : Kate, la fille adolescente de Charlie, meurt à vélo, renversée par une voiture. Quelques temps plus tard, sa femme le quitte. Ce roman suit son deuil et sa déchéance dans la saleté, la drogue et l’alcool durant l’année qui suit, dans la petite ville d’ Enon.

Charlie est passionné par l’histoire locale, et ses divagations sont souvent peuplées de personnages ayant marqué les annales d’Enon aux siècles derniers, notamment des jeunes filles auxquelles il trouve des points communs avec Kate, tandis que ses pérégrinations dans le cimetière voisin donnent une couleur gothique au récit.

 

Charlie est un beautiful loser dont on suit les péripéties tragi-comiques, comme lorsqu’il pénètre par effraction chez une ancienne cliente pour voler des tranquillisants, ou tente de socialiser avec le gérant de la supérette. C’est un personnage que j’ai trouvé attachant, car jamais je n’ai senti que l’auteur voulait qu’il nous fasse pitié. On voit un homme qui souffre, dans une période de sa vie très particulière, et qui réagit comme il peut à cette douleur intense.

Les flash-backs qui retracent la vie d’avant, quand Kate était encore vivante et que la famille vivait heureuse, empêchent qu’il soit jugé pour ce qu’il est devenu, en lui redonnant la part de normalité qui lui manque après la mort de sa fille : Charlie a été un mari, un père, un professionnel mature, aimant et responsable avant la catastrophe qui a changé sa vie en chaos.J’ai trouvé le texte très beau, triste et sombre, sans tomber dans le misérabilisme. L’atmosphère de ce roman est à la fois brumeuse lorsque Charlie se noie dans l’alcool et ses souvenirs, et vive quand il tente de sortir de chez lui et de retourner dans le monde. C’est un très beau portrait d’homme dans une phrase difficile de sa vie, et une jolie découverte d’un auteur dont je n’avais encore jamais entendu parler.

L’avis également enthousiaste de Jérôme.

39e contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2014 organisé par Hérisson.

 

Publié aux Editions Le Cherche Midi le 21 août 2014, traduit par Pierre Demarty, 288 pages.

9 commentaires sur “Enon – Paul Harding

  1. J'ai lu Les foudroyés de Paul Harding. J'ai vraiment beaucoup aimé son écriture, mais j'ai eu un peu de mal avec l'aspect décousu du roman. La manière dont tu parles d'Enon laisse présager la même trame avec des aller-retours dans le passé ; cela dit l'histoire a l'air très belle… Je me laisserai probablement tenter à l'occasion 😉

  2. Ah oui, je l'ai aimé ce roman. Il est beaucoup plus facile à appréhender que Les foudroyés (pour répondre au commentaire ci-dessus) mais l'écriture de Paul Harding est d'une force incroyable je trouve.

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