« De si braves garçons » est le huitième roman de Modiano, publié en 1982. J’aime beaucoup Modiano, dont j’ai lu le dernier livre il y a quelques mois, mais je ne connaissais pas ce livre sur lequel je suis tombée par hasard à la médiathèque, il ne fait pas partie des titres les plus connus de l’auteur, comme par exemple « Dora Bruder« .
Ce roman m’a laissé une impression mitigée. J’ai eu du mal à entrer dans le récit, car il n’est pas toujours facile de savoir qui est le narrateur. J’ai dû parfois relire des passages plusieurs fois pour comprendre si c’était Patrick (qui n’est nommé que vers la moitié du roman) ou Edmond qui parlait, surtout que ceux-ci se passent parfois la parole en plein milieu du récit. Je me suis même demandé s’il n’y avait pas un autre narrateur, qui n’était pas nommé. Difficile aussi parfois de savoir à quelle époque se déroulent les faits évoqués. La plupart des garçons sont adolescents à la fin des années 50, mais certains camarades évoqués ont fréquenté l’établissement quinze ou vingt ans avant, comme Johnny qui est jeune homme pendant l’occupation allemande. Cela a un peu nui à mon plaisir de lecture, d’autant plus que la valse des portraits complique l’attachement aux personnages.
Pourtant j’ai retrouvé la fameuse ambiance modianesque que j’aime tant. Comme dans la majorité des romans de Modiano, la plupart des personnages, à l’adolescence ou à l’âge adulte, évoluent dans une atmosphère trouble, où règnent non-dits et secrets. Les parents mènent une vie indépendante de celle de leurs enfants et s’en occupent peu, accaparés par des activités mystérieuses voire louches. Les enfants deviendront des adultes instables au passé mouvementé. Sous l’enveloppe bourgeoise on pressent les changements d’identité, les déménagements hâtifs, l’argent qui provient de sources interlopes, les origines nébuleuses, les apparences trompeuses. Le professeur de chimie regarde avec insistance des enfants dans les files d’attente, l’ami d’enfance s’encanaille avec sa femme près de la gare du Nord, les mères sont de belles femmes au passé trouble, la folie ou le crime ne sont jamais loin. Dans cette série de portraits, Modiano évoque également « La petite Bijou » une petite fille qui quelques années plus tard aura droit à un roman éponyme.
J’ai été touchée par Michel Kervé que ses parents délaissent avec le sourire, par l’attachement de Claude pour sa mère qui ressemble tant à une actrice, j’ai souri devant la naïveté de Patrick qui ne comprend pas les propositions libertines de son ami d’enfance.
Ce n’est pas – et de loin – le meilleur Modiano, mais la galerie de portraits est décrite avec talent, et la solitude de ces garçons délaissés est vraiment touchante. Ce n’est pas le roman que je conseillerais à une personne n’ayant jamais lu de livres de cet auteur, mais un lecteur confirmé de Modiano prendra certainement plaisir à le lire.
Publié le 1er Octobre 1982 chez Gallimard, 196 pages. Existe en poche chez Folio.
Si tu analyses la galerie de personnages, il y a un peu de Modiano dans chacun d'eux, par exemple la mère de Claude fait le parallèle avec celle de Modiano, etc..
Pas le meilleur, assurément, mais des clefs à chercher par rapport à l'histoire perso de l'auteur ;o)
@Virginie : tout à fait, et Modiano a également fréquenté un pensionnat similaire… c'est surtout le changement de narrateur qui m'a gênée et qui m'a empêchée de m'attacher au livre autant que je l'aurais voulu
Je n'avais pas du tout ce titre en tête de la biblio de Modiano. Bon, j'en ai d'autres qui m'attendent, qui vont passer en premier 😉
C'est un de mes Modiano préférés. Mais il est vrai que je l'ai lu il y a longtemps. J'ai peut-être changé depuis.
@Laure: il y en a effectivement de plus prioritaires
@Jackie : j'ai eu effectivement quelques déceptions en relisant des livres que j'avais adorés beaucoup plus jeune…mais peut-être qu'après relecture, il sera toujours ton préféré