Surtout connue de nos jours pour « Suite Française », publié et récompensé à titre posthume en 2004 par le Prix Renaudot , Irène Némirovsky a écrit de nombreuses oeuvres, dont « Le Bal », un court roman qui est un vrai petit bijou…
« Le Bal » est un court roman qui s’apparenterait même plus à une grosse nouvelle, de par son rythme et sa chute marquante. Les Kampf connaissent l’opulence depuis peu, grâce au père qui a eu de la chance en Bourse. Madame Kampf, à présent nouvelle riche, a bien l’intention de rattraper les années de vache maigre et d’entrer enfin dans la bonne société. Pour ce faire, elle décide d’organiser un bal, auquel elle invite des centaines de personnes…
« Le Bal » est un summum de cruauté, une lecture absolument jouissive. Si Monsieur Kampf est un homme plutôt tranquille, Madame Kampf est une nouvelle riche dans toute sa splendeur, pour qui seul le paraître compte, et qui est flagorneuse avec les puissants, odieuse avec les pauvres, notamment le petit personnel. Ayant vécu petitement pendant des années, frustrée de sa pauvreté, elle souhaite désormais faire savoir à tous qu’elle est une personne qui compte. A cela s’ajoute la conscience qu’elle n’est plus toute jeune, et qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps avant que la vieillesse ne s’annonce. Elle est particulièrement désagréable avec sa fille Antoinette, dont elle ne s’occupe pas beaucoup, et qu’elle brime régulièrement. Antoinette, qui a quatorze ans, se réjouit à l’idée du bal, jusqu’à ce qu’elle comprenne que sa mère ne souhaite pas qu’elle y assiste, même une heure ou deux. Au ressentiment d’Antoinette s’ajoute la rivalité mère-fille, attisée par ce soudain changement de condition sociale : la mère, qui a été frustrée toute sa vie d’être pauvre, a bien l’intention d’en profiter et d’être le centre de l’attention, quitte à écarter sa fille de la lumière. Quant à Antoinette, elle sent confusément que son tour est proche, mais que sa mère refuse de lui céder la place en la considérant comme une enfant et en niant le fait qu’elle est proche de faire ses débuts dans la société.
La plume d’Irène Némirovky est extrêmement habile pour planter le décor, et créer des personnages très bien incarnés, que ce soit la famille Kampf, ou la cousine Isabelle, une vieille parente de Mme Kampf qui donne des cours de piano à Antoinette, et avec qui il y a une relation de jalousie : la cousine est jalouse de la richesse soudaine des Kampf, et Mme Kampf est jalouse de la bonne société que la cousine fréquente grâce à son métier. La chute de l’histoire est absolument splendide, et on en viendrait presque à être désolés pour Mme Kampf, malgré son côté antipathique, tant sa déconfiture est grande. A noter que l’adaptation au cinéma en 1931 de ce livre fit connaître Danielle Darrieux, dont c’était la première apparition à l’écran, dans le rôle d’Antoinette…
« Le Bal » d’Irène Némirovsky est une lecture courte et très accessible, notamment pour les adolescents, où tout, des personnages à la chute en passant par l’histoire, est savamment maîtrisé. Un livre aux petits oignons, que je conseille très fortement !
Publié en 1930, disponible en poche, 125 pages.
Participation au Mélange des Genres organisé par Miss Léo dans la catégorie « Classique français »
Je l'ai repéré chez Micmelo, j'ai ses autres romans mais pas celui-ci, vous deux êtes en tout cas bien emballées ! Il me le faut vraiment 😉
J'ai suite française chez moi, mais Léo m'avait conseillé de commencer par le Bal il me semble, et effectivement, je me dis qu'elle n'avait sans doute pas tort quand je vois comment tu es enthousiaste…Noté.
J'avais bien l'intention de le lire, ayant beaucoup aimé Suite française et Le vin de solitude… d'après ton billet, Irène Némirovski démontre une fois de plus avec ce titre qu'elle était une fine portraitiste de son temps, au regard acéré et sans complaisance.
@Ingannmic: exactement! elle a un oeil très pertinent, et ne fait pas de cadeaux!
@Galéa : c'est court et efficace, parfait pour découvrir Irène Némirovsky…
@Electra: c'est un must!!
Toujours pas lu Némirovsky. A lire des billets ici et là, j'ai l'impression d'un mélange entre Zweig, Austen et Vita Sakville West… mais c'est juste une impression…
"Jouissif" est le bon mot!
J'ai beaucoup aimé la description de l'adolescence à travers le personnage d'Antoinette.
Je le lirai en 2016, c'est dit !
Cela me rappelle moi aussi du Austen ou Mrs Dalloway de Virginia Woolf. En tous cas, tu as aiguisé ma curiosité et j'ai bien envie de lire ce bal tragique ! 😉
J'ai lu ce court roman il y a quelques années et votre billet a ravivé le plaisir de cette lecture !
La chute est aussi cruelle et délectable que celle de La Parure de Maupassant…
Cette lecture me tente bien, mais d'abord j'aimerais lire Suite Française.
@Tiphanie : il faudrait également que je relise, sa lecture remonte à plusieurs années!
@Anonyme : chère "Anonyme", vous savez que je suis toujours vos conseils 😉 je vais donc m'empresser de lire La Parure!
@Zaza : oui il y a un petit côté Austen dans le talent de portraitiste, mais Némirovsky est plus "méchante" qu'Austen je trouve.
@Noukette : oui oui oui!
@Fleur : oui ses descriptions sont très pertinentes!
@Sandrine : je pense que ton combo est pertinent, oui 🙂