Le monde à l’endroit – Ron Rash

La sortie du nouveau Ron Rash « Le Chant de Tamassee », qui est ma prochaine lecture, m’a donné envie de relire un des précédents ouvrages de l’auteur, que j’avais lu à sa sortie il y a quelques années : « Le monde à l’endroit ».

Travis Shelton, un adolescent de dix-sept ans sans trop d’avenir, trouve par hasard des plants de cannabis et les vend à Leonard Shuler, un ancien professeur devenu dealer, qui vit dans un mobile-home avec Dena, une marginale. La famille Loomey, un père et son fils durs à cuire à qui appartenaient les plants punit durement Travis pour ce vol. En conflit avec son père, Travis trouve refuge chez Leonard, qui l’héberge. A son contact l’adolescent décide de passer l’équivalent du bac pour peut-être entrer à la fac à la rentrée. Il découvre également l’histoire locale, à laquelle sa famille est intimement liée, puisque durant la guerre de Sécession, treize habitants, dont des femmes et des enfants, du village de Shelton Laurel furent massacrés par des soldats confédérés originaires également des environs, qui les accusaient d’être des partisans de l’Union.
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Quel bonheur que ce livre ! « Le monde à l’endroit » est un roman d’apprentissage, le temps d’un été, servi par des personnages très forts et directement ancré dans l’histoire du Sud profond. Dans cette petite zone rurale, rares sont les gens qui partent faire fortune ailleurs. Les noms de famille de 1863 sont les mêmes cent ans après et c’est ce qui explique l’impact de la découverte de l’histoire tragique locale sur Travis. La fascination des Américains pour la Guerre de Sécession peut sembler étrange à nous les Européens, surtout plus de cent ans après – l’intrigue se passe dans les années 70 même si rien ne nous le fait vraiment sentir, à part peut-être après coup le fait que personne n’utilise de téléphone portable ni Internet… – mais c’est la seule guerre qui ait vraiment eu lieu sur le sol américain, et le fait que ce soit en plus une guerre civile a d’autant plus marqué les esprits.
A Shelton Laurel, les hommes reprennent la ferme du père, les femmes font ce qu’elles peuvent. Seul le fait d’accéder à l’université peut permettre un avenir plus radieux et c’est un objectif que Lori, la petite amie de Travis, entend bien tenir. Leonard est un enfant du pays qui, grâce aux études, a pu quitter les environs et devenir professeur d’histoire. Mais lors d’une période de fragilité, une injustice contre laquelle il n’a pas su se défendre l’a fait perdre pied et revenir au point de départ, où il vend aujourd’hui alcool aux mineurs, cannabis et pilules, aux côtés d’une marginale junkie. Il se reconnait en Travis, un garçon intelligent qui aime l’Histoire et les livres et qui se débrouille pour réviser son examen tout en travaillant pour gagner sa vie.
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L’histoire pourrait être idyllique – rédemption de Leonard et envol de Travis – sans l’intervention des méchants locaux, le père Carlton Toomey et son fils Hubert, qui non seulement fournissent tous les dealers de la région avec leur cannabis mais sont aussi capables des pires brutalités, notamment quand ils s’attaquent aux plus faibles. Le père Toomey est un des points forts du roman, un dur à cuire capable de tout qui cache son intelligence, une brute capable d’émouvoir toute une foule en chantant un gospel. Comme dans tous les romans de Ron Rash, le drame n’est jamais loin…
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« Le monde à l’endroit » de Ron Rash dépeint à merveille ce monde clôt de la ruralité du Sud des Etats-Unis, qui évolue peu, dans son Histoire comme dans ses coutumes. Les personnages (Travis, Leonard, Carlton Toomey) sont superbes, et cette histoire  est aussi belle que tragique. A mes yeux le meilleur roman de Ron Rash. A lire!
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Publié le 23 Août 2012 aux Editions Seuil, traduit par Isabelle Reinharez, 280 p, disponible en poche chez Points
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Egalement sur le blog : Une terre d’ombre, Incandescences 

12 commentaires sur “Le monde à l’endroit – Ron Rash

  1. De Ron Rash, je n'ai lu, à ce jour, qu'"Une terre d'ombre" et "Incandescences". Coup de coeur pour les deux. Il ne me manque que "Serena" dans ma PÀL (à cause du film!). Je compte passer à travers les autres cette année.
    Très beau billet, Eva!

  2. Très intéressée à découvrir cet auteur, j’ai emprunté son recueil de nouvelles. j’ai lu la 1ère histoire et je l’ai rendu. J’ai trouvé l’ambiance et le style « bourrus ». Mais j’ai envie de persévérer avec un long format, sans doute ce titre-ci alors…

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